Tes yeux dans une ville grise

Tes yeux dans une ville grise : le titre est poétique, mais le propos est dur, sans concession. Bienvenue à Lima, capitale du Pérou. Lima, racontée par Jeremias, un jeune garçon sensible et observateur, qui passe une partie de ses journées dans des bus ou des combis bondés, où les pickpockets peuvent faire impunément leur marché et où les pervers peuvent se frotter à des adolescentes sans vergogne. Bienvenue dans un récit coup de poing.

Jeremias est étudiant, mais n’est pas passionné par ses études. Tous les jours, pourtant il passe des heures dans les transports en commun de Lima, et traverse la ville de part en part. Ces trajets quotidiens lui permettent de se faire l’observateur silencieux d’une ville scindée en deux par une sorte de mur de Berlin, où la très grande richesse côtoie la misère la plus totale, où la violence, la bagarre et le viol font partie du quotidien. Le récit est fragmentaire, ce qui ajoute au réalisme du récit de Jeremias. Au fil des pages, alors que le lecteur européen découvre, effaré, le quotidien à Lima, une sensation de mal-être l’envahit peu à peu : l’inconfort de Jeremias semble sourdre de la page. Tel est le talent de Martin Mucha, dont c’est le premier roman.

La vie dans le quartier où vit Jeremias n’offre que peu de perspectives à la jeunesse : Jeremias s’échappe d’un quotidien de violence par la lecture. Il raconte avec simplicité les brimades à l’école, qui dégénèrent et vont parfois jusqu’au suicide, les viols qui semblent monnaie courante, le racket, omniprésent. Malgré la dureté du propos, le ton est poétique, les mots viennent avec fluidité. Pourtant, le récit se compose de morceaux de vie, de fragments de récit, sans lien évident entre eux…mais le tableau se constitue au fur et à mesure, et l’on s’attache à Jeremias, ce narrateur touchant de sincérité, à la douleur presque palpable, à la mélancolie presque romantique. Le portrait qu’il dresse de Lima est implacable. Martin Mucha est décidément un auteur à suivre, car il transforme le quotidien le plus terre-à-terre, le plus violent en véritable littérature.

Tes yeux dans une ville grise, Martin Mucha. Editions Asphalte, janvier 2013.

Par Emily Vaquié de Café Powell

A propos Emily Costecalde 1036 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.