Un Été à Osage County

Meryl Streep est incroyable.

J’ai considéré un instant limiter ma chronique à cette phrase. Pourquoi chroniquer un film avec Meryl Streep, puisqu’à partir du moment où il y a Meryl Streep, le film est à voir ? Oh, je ne dis pas que tous les films dans lesquels elle a joué sont formidables — je dis juste qu’elle est formidable dans tous les films où elle a joué. Elle est donc progressivement devenue une légende, presque un concept, au point qu’il est facile d’oublier que c’est à la base un être humain normal. Et heureusement, parce que comment croire qu’un être humain normal devienne à ce point quelqu’un d’autre dans chaque film? Joanna Kramer, Sophie, Karen Blixen, Lindy Chamberlain, Julia Child, Francesca, sister Aloysius, Miranda Priestly, Margaret Thatcher…. Une seule et même personne ?? Yeah, right. La métamorphose est tellement complète à chaque fois, que Meryl Streep finit par être littéralement in-croyable. Et pourtant la légende a fait une apparition en chair et en os ce jeudi 13 février au Normandie, pour l’avant-première d’Un Été à Osage County. Je l’ai donc vue de mes propres yeux : elle existe.

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Puis le film a commencé et mes doutes sont revenus : Meryl Streep, l’élégante dame blonde qui semblait presque intimidée par la standing ovation qu’elle a reçue, et Violet Weston, la vieille folle déchirante et cruelle à l’écran… La même? No way. Les acteurs sont tous excellents et, à part pour Juliette Lewis dont j’ai trouvé le jeu un peu excessif au début, on adhère immédiatement à leurs personnages. Mais qui est cette Violet Weston chez qui tous ces acteurs débarquent ? Elle ressemble un peu à Meryl Streep de temps en temps, d’accord, mais enfin même sans parler de la perruque et des vêtements, elle n’a ni la même démarche, ni la même voix, ni le même regard… Ne me faites pas croire que c’est la même personne ! Je l’ai vue, je sais qu’elle existe, mais la question subsiste : comment Meryl Streep est-elle possible ?

 un été à OC meryl

 Mais assez sur Meryl Streep, me direz-vous (et en effet il faut me le dire, sinon je continue). Parlons du film : adapté d’une pièce de Tracy Letts, c’est l’histoire d’une famille  complètement “fucked up” qui se réunit à la mort du patriarche. Il y a la veuve (je n’en parle plus), les trois filles (Barbara / Julia Roberts, Ivy / Julianne Nicholson, et Karen / Juliette Lewis), leurs «conjoints» respectifs (aucun couple vaguement stable et heureux, d’où les guillemets), et la soeur de Violet (Mattie Fae / Margo Martindale) avec son mari et son fils (Chris Cooper et Benedict Cumberbatch, – d’ailleurs, même si l’image est un peu floue, vous ne trouvez pas qu’ils ont un air de famille ??).

 un été à OC

Depuis plus de six mois que j’attendais le film, j’avais eu le temps de me renseigner et j’avais lu notamment que l’histoire était moins efficace à l’écran qu’au théâtre. N’ayant pas vu la pièce à Broadway, je ne peux pas faire de comparaison, mais je peux du moins garantir que c’est très efficace à l’écran. Ce n’est pas tout à fait un huis clos, quoique l’extérieur ne soit filmé que pour signifier l’immensité vide des Plaines et rendre l’atmosphère de la maison d’autant plus étouffante et claustrophobique. Et de toute façon, avec autant de personnages et de tels acteurs, le risque d’un huis clos ennuyeux est assez minimal, il faut bien le reconnaître. Mais ce qui m’a le plus séduite, c’est l’alternance des tons : à chaque fois, au paroxysme de l’émotion, une réplique comique intervient pour «crever le ballon». Le contraste rend l’émotion initiale d’autant plus intense, évite l’excès et la saturation du spectateur, et contribue à rendre cette famille de cinglés humaine et touchante. La catchphrase «En famille, on se soutient. En famille, on se déchire.» que je trouvais un peu facile et niaisounette avant de voir le film, me paraît plus pertinente a posteriori : tout l’intérêt du film est dans la juxtaposition brute de tons opposés, la coexistence de l’amour et de la haine en proportions égales.

 Comme d’habitude, je suis trop longue : je termine juste avec une mention spéciale pour Margo Martindale que je ne connaissais pas et que j’ai trouvée parfaite, et pour Julia Roberts, qui est très convaincante. Je l’ai toujours considérée comme le stéréotype de l’actrice qui cherche juste à se faire de l’argent en enchaînant les comédies romantiques (à l’exception notable de Erin Brokovich, bien sûr), et même si j’adore ce genre de films, ce n’est pas ce qu’il y a de plus exigeant en termes de talent et d’effort pour un acteur. Elle montre dans Un été à Osage County qu’elle sait être juste, émouvante, et que son jeu peut être subtil et intense. Et no offense à l’Academy, mais c’est plus un co-premier rôle qu’un second rôle (mais d’un autre côté je les comprends : dans un film avec Meryl Streep, tout autre rôle est secondaire !).

Un été à Osage County, John Wells. 2h10. En salles le 26 février 2014.

Par Lisa

A propos Lisa Roche 13 Articles
Passionnée de littérature et de cinéma, Lisa travaille dans l'édition.

1 Commentaire

  1. Un article incroyable à l’image de Meryl Streep.
    (Est-ce que je m’arrête là moi aussi ?)
    Je suis exactement du même avis pour cette fabuleuse actrice. Et je commençais à croire moi aussi qu’on essayait de nous entourlouper sur sa réelle existence. Je suis bien contente que tu dissipes mes doutes. 😉
    Je n’ai pas entendu parler de ce film, le casting me plait beaucoup et tu m’as donné très envie de le voir !
    J’ai à chaque fois un peu de mal avec Juliette Lewis mais je trouve toujours finalement qu’elle joue bien.
    Sur cette photo effectivement il y a un sacré air de famille ! Nous cacherait-on encore quelque chose ?!
    Je vais essayer de le voir dans les jours qui viennent 🙂

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