Nue, de Jean-Philippe Toussaint : une saison des amours

Quatrième et dernier volet de l’ensemble romanesque sur Marie Madeleine Marguerite de Montalte, compagne du narrateur, Nue vient clore une épopée sentimentale faite de désir, de désamour, de désenchantement et de renoncement. Jean- Philippe Toussaint reprend les mots de Dante pour exprimer sa volonté de « Dire d’elle ce qui ne fut jamais dit d’aucune ». La relation entre le narrateur et Marie est chaotique, ils sont deux amants qui s’aiment, se quittent, se retrouvent mais qui jamais ne s’oublient. A l’occasion d’un séjour sur l’Ile d’Elbe, ils se prouveront une fois de plus à quel point leur lien, aussi ineffable qu’il soit est pourtant inébranlable « Où étais-je alors ? Où – si ce n’est dans les limbes de ma propre conscience, affranchi des contingences de l’espace et du temps, à invoquer encore et toujours la figure de Marie ? ».

Si chacun des quatre romans retrace une saison dans la vie de Marie, Nue est l’automne-hiver, figeant les questionnements et les émotions sous l’emprise d’une glaçante incertitude. Le narrateur s’interroge, remet en cause ce qui a été et ne sera peut-être jamais plus « Reprenant cette idée de l’amour comme ressassement ou continuelle reprise, j’aiguiserais encore un peu ma formulation, en demandant à Marie si l’amour, quand il durait, pouvait être autre chose qu’une resucée ?». Entre présent et passé, souvenirs et attentes, l’auteur nous offre à voir la complexité d’une relation, d’un amour qui évolue et expérimente un panel de différentes possibilités par des chemins pour le moins sinueux. Aimer, c’est aussi parfois détester, devoir s’ignorer un temps pour mieux
se rappeler des bons moments. Vouloir que l’autre soit toujours un peu à soi, refuser de le laisser partir sans pour autant lui offrir un bonheur certain

Pour Jean-Philippe Toussaint, « La main et le regard, il n’est jamais question que de cela dans la vie, en amour, en art » (La Vérité sur Marie). Jean Cocteau disait qu’« il n’existe pas d’amour, que des preuves d’amour ». C’est bien aussi là que réside le problème, dans cette incapacité à ne pas pouvoir dire les choses « Je t’aime, Marie, lui dis-je, mais aucun son ne sortit de ma bouche, je ne m’entendis même pas le dire, peut-être n’avais-je pas ouvert la bouche, peut-être l’avais-je seulement pensé – mais je l’avais pensé ». Avec la justesse des mots de l’amour, l’auteur révèle aussi leur aptitude à cacher des peurs, une incompréhension ou tout simplement un besoin d’être rassuré « Mais, tu m’aimes, alors ? ».

Le lecteur pourra suivre dans le désordre de leur relation les différents temps de cette histoire d’amour. On aimera les retrouver avant leur premier baiser, aux embrasements et emportements qui seront peut-être leurs derniers. Jean-Philippe Toussaint se livre à un bel exercice de style et s’attache à ce que ce concentré de sentiments à leur paroxysme soient mis à nu…

Nue, Jean-Philippe Toussaint. éditions de Minuit, septembre 2013.

Illustration : Frédéric Rébéna

par Capucine Michelet.

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