Meurtres en majuscules : retour d’Hercule Poirot !

Hercule Poirot. Un petit bonhomme rond, des moustaches lissées et travaillées, un chapeau melon, un costume tiré à quatre épingles… Voilà quasiment une image d’Épinal. Agatha Christie, sa créatrice, lui a consacré pas moins de 33 romans et 51 nouvelles – dont une aventure dans laquelle il décède, le 6 août 1975. Ses aventures ont été adaptées sur les planches dans un premier temps, puis à la télé et David Suchet incarne le personnage avec beaucoup de talent. Depuis le décès d’Agatha Christie, les aventures du détective belge étaient terminées. Pour la première fois, les héritiers de la reine du crime ont donné leur autorisation à un auteur d’écrire une aventure de notre enquêteur belge favori, qui s’insère dans la chronologie des précédentes, ce qu’elle fait avec un talent certain !

Hercule Poirot est un peu fatigué, et décide de prendre quelques vacances. Il déménage donc dans une petite pension londonienne, par les fenêtres de laquelle il voit sa propre demeure. Rien de tel que le changement de point de vue pour s’aérer l’esprit. Là, il rencontre le jeune inspecteur Edward Catchpool de Scotland Yard, avec qui il aime bavarder. Un soir, alors qu’il dîne au Pleasant’s Coffee House – qui sert un délicieux café – Poirot est troublé par une femme dont l’agitation extrême lui fait craindre le pire. Que fuit-elle ? Que craint-elle ? Las, la femme s’évanouit dans la nuit avant que Poirot n’ait réussi à élucider son cas, mais il est persuadé qu’elle est en danger et doit être sauvée.
Parallèlement, le jeune Edward Catchpool vit des instants très difficiles à l’hôtel Bloxham, où l’on vient de retrouver trois cadavres, dans trois chambres différentes, chacune à un étage, tous proprement allongés au sol, un bouton de manchette portant les initiales PIJ dans le bouche. Deux énigmes insolubles le même soir ? C’est trop pour Hercule Poirot qui ne résiste pas à la tentation de fourrer nez et moustaches dans les affaires du pauvre Catchpool… qui n’a d’autre choix que d’accepter l’ingérence du détective.

Et celui-ci met beaucoup de cœur à l’enquête… surtout à l’enquête totalement annexe concernant cette jeune femme effarée, au grand dam de Catchpool. Chacun va donc tenter de démêler l’écheveau qui l’intéresse et, l’histoire étant racontée par un Catchpool particulièrement récalcitrant, c’est parfois un peu confus, sans compter que le fin mot de l’histoire était particulièrement alambiqué – comme le souligne l’ami Catchpool. De plus, si le style de Sophie Hannah est très efficace, il n’a pas toujours le cachet si particulier qu’avait celui d’Agatha Christie – même si la reprise est loin d’être mauvaise ! On a donc parfaitement conscience de lire un roman écrit par un autre romancier, tout en appréciant que l’auteur britannique ait collé au plus près au style de son aînée.

Ceci étant dit, l’enquête fait honneur aux incontournables d’un Agatha Christie : thé au cyanure, petit village anglais bien sous tous rapports mais cachant de nombreux secrets, fausses identités, stratagèmes alambiqués, clef du crime venue du passé, huis-clos à l’hôtel, tout y est. Et même l’intrigue n’est pas sans rappeler les schémas les plus tortueux de la reine du crime. Sophie Hannah distille les indices petit à petit, multiplie les découvertes obscures mais significatives (et dont on ne comprend le sens profond que plus tard), déploie les dialogues décisifs avec un art certain. On active ses petites cellules grises, comme Poirot, et on tombe des nues – comme Catchpool – lorsque celui-ci dévoile le fin mot de l’histoire. Comme souvent avec Poirot, les coupables ne sont pas ceux que l’on suspectait, le passé vient largement influencer le présent et le détective dévoile le fin mot de l’histoire dans une de ces réunions lui permettant de détailler son exposé dont il a le secret – et sans lesquelles ce ne serait pas vraiment une enquête de Poirot.

Ces Meurtres en majuscules reprennent donc toute la complexité des enquêtes du petit détective, parfois avec une légère confusion qui tend à perdre le lecteur, mais avec l’efficacité qui caractérise les enquêtes de Poirot. Alors, réussie, cette reprise du personnage ? Dans l’ensemble, oui, et c’est avec plaisir qu’on le retrouve !

Meurtres en majuscules, Sophie Hannah. éditions du Masque, 2014. Traduit de l’anglais par Valérie Rosier.

Par Oihana

A propos Oihana 710 Articles
Lectrice assidue depuis son plus jeune âge, Oihana apprécie autant de plonger dans un univers romanesque, que les longues balades au soleil. Après des études littéraires, elle est revenue vers ses premières amours, et se destine aux métiers du livre.

2 Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.