Rencontre avec Matthew Thomas, l’auteur de Nous ne sommes pas nous-mêmes !

Matthew Thomas - Nous ne sommes pas nous-mêmes

Je suppose que je devais écrire un livre triste. Pour qu’il soit vrai, ce livre devait être triste. Mais il n’est plus vraiment aussi triste à la fin, il y a comme une éclaircie, un peu d’espoir.

C’est votre premier roman. Quand vous écriviez, pensiez-vous à la publication, ou écriviez-vous pour vous-même ?

Je ne pensais qu’à écrire, pas à publier. Ce n’était pas seulement pour moi mais je ne pensais pas vraiment à ce qui arriverait quand il serait terminé car, d’abord, il fallait que je le finisse. J’ai écrit pendant si longtemps et, la plupart du temps, je ne pensais pas à la phase suivante, j’avais tellement de travail. Je savais que j’étais au milieu d’un projet à long terme et mon but était de le finir, pas de publier.

J’ai tenté d’écrire le meilleur livre possible, je pensais donc avoir des lecteurs et j’espérais que mon livre serait assez bon pour être vendu. Mais le vrai soulagement a été de le finir et de savoir qu’il était assez bon pour être soumis à un agent, pas de le publier.

Qu’est-ce que cela vous a fait, de tenir enfin entre vos mains le fruit d’autant d’années de travail ?

C’était extraordinaire ! Tenir l’objet de tout ce travail et savoir qu’il a été sélectionné par un éditeur, que des fonds ont été engagés pour le publier et le diffuser. Quand vous écrivez, chez vous, vous n’avez pas vraiment conscience du mécanisme de publication mais il implique tellement de gens, le livre passe entre tellement de mains : le graphiste, le correcteur, l’éditeur et ses assistants… il y a soudain toute une équipe qui entre dans votre vie quand votre livre est accepté. Et c’est vraiment extraordinaire de penser que tous ces gens se réunissent pour faire que votre livre existe.

Vous avez écrit la majeure partie de votre livre à la main, pourquoi ?

Je l’ai écrit à la main car, d’abord, c’était plus facile pour moi d’avancer dans l’écriture, j’apprécie cette fluidité.  C’est beaucoup plus difficile de vous arrêter et de corriger quand vous écrivez à la main.

C’est aussi plus simple de ne pas se laisser distraire quand on est seul à une table à écrire, sans ordinateur ni téléphone. Et puis, je peux écrire n’importe où dans le monde et ça me donne un certain pouvoir.

Je trouve aussi ma voix plus naturelle lorsque j’écris à la main, elle ressemble plus à ma vraie voix. C’est surement parce que nous commençons par écrire à la main. Peut être que cela changera et que nous irons de plus en plus vers la technologie, comme des cyborgs, mais pour le moment nous écrivons encore à la main et je pense que c’est ce qui convient le mieux à l’expression de nos pensées. Nous écrivons nos premières phrases à la main, ce serait donc logique que ce soit un mode d’expression plus naturel. Mais ce n’est pas le cas pour tout le monde, certains écrivent plus facilement à l’ordinateur.

Votre roman traite majoritairement de la maladie d’Alzheimer d’Ed Leary, et la manière dont la maladie affecte sa vie de famille. Votre père a été touché par cette maladie, pouvons-nous considéré ce livre comme une sorte d’autobiographie ?

Oui, d’une certaine manière c’est un livre autobiographique, dans le sens où les personnages d’Eileen, Ed et Connell sont basés sur ma famille, mon expérience. Mais, très tôt dans le récit, les personnages s’éloignent de leurs modèles originaux et prennent des décisions que moi, mon père ou ma mère n’aurions jamais prises. Ils commencent à adopter des attitudes qui n’étaient pas celles des membres de ma famille. Eileen est plus représentative d’une génération et d’une époque que ma mère ne l’est. Par exemple, Eileen est beaucoup plus effrayée par les changements de son voisinage et plus étroite d’esprit que ne l’a jamais été ma mère.

Je l’ai vue comme un personnage et, ce faisant, elle a pris vie. Il se passe des choses dans le livre qui n’ont rien à voir avec ce qui s’est passé dans ma vie. Je dirais que, finalement, 95% du scénario n’est jamais arrivé et pourtant la plupart des émotions décrites dans le livre sont formées à partir de mon expérience, en particulier avec la maladie de mon père.

nous ne sommes pas nous-mêmes

Vous étiez professeur de littérature. Pouvez-vous imaginer qu’un jour, des élèves puissent étudier votre roman ?

Ce serait un grand honneur. Même si je pense que mes étudiants le liraient à contre-cœur car les lycéens n’aiment pas lire, aussi intelligents soient-ils. Certains aiment lire mais la plupart doivent y être encouragés. Je pense que ce serait un challenge amusant de faire lire ce livre à une salle pleine de jeunes.

Il m’est souvent arriver d’enseigner des livres que je pensais que mes élèves aimeraient et qu’ils ont trouvé difficiles à lire. Et, d’un autre côté, j’ai aussi eu de bonnes surprises. Je n’oublierai jamais à quel point mes élèves étaient contre l’idée de lire David Copperfield, ils ont été jusqu’à voter pour arrêter de le lire mais j’ai ignoré leur demande…

Avoir son livre étudié au lycée est sans doute l’un des plus grands honneurs qu’un auteur peut espérer. Faire partie de cet apprentissage, c’est très beau, même si les élèves ne le font pas toujours volontairement. Etre étudié au lycée est certainement le plus bel idéal auquel on peut aspirer.

On dirait que vous aimiez enseigner, pourquoi avoir arrêter ?

C’était très prenant et cela demandait beaucoup de temps.

Si ça avait été ma seule vocation, je l’aurais fait pour toujours mais c’est très dur d’écrire et d’enseigner en même temps. Surtout quand il s’agit de littérature où les copies font trois à quatre pages de long et que vous avez une centaine d’élèves. Souvent je ne pouvais me mettre à travailler sur mon livre que vers minuit, après avoir tout corriger. Et je ne pouvais avoir l’esprit libre pour écrire tant que tout mon travail n’était pas terminé. Maintenant j’ai la chance de pouvoir me consacrer à temps plein à l’écriture.

Mais peut-être que j’enseignerai un jour à l’université.

Travaillez-vous actuellement sur un nouveau projet ? Pouvez-vous nous en parler ?

Oui, je travaille sur un autre livre. C’est un autre drame familial qui n’a rien d’autobiographique, ce qui est très exaltant pour moi car je peux lâcher la bride à mon imagination et inventer tout un monde. L’histoire se situe dans un contexte contemporain et j’espère qu’elle donnera à réfléchir sur le monde actuel, comme c’était le cas ici.

Lire la chronique d’Oriane sur Nous ne sommes pas nous-mêmes.

Propos recueillis par Oriane Deckers

Vidéo par Kévin Costecalde

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