Prime Time : Big Brother is watching you (mais a envie de zapper)

Prime Time, Jay Martel, Super 8 éditions

Avec Prime Time, les éditions Super 8 nous livrent une satire hilarante et complètement délirante de notre société de divertissement. A l’heure où la téléréalité cartonne et où le voyeurisme est devenu la recette de nombreux succès du petit écran, Jay Martel imagine quelque chose de complètement fou : la Terre entière serait en réalité un programme de télévision pour extraterrestres, en passe d’être déprogrammé.

Il s’appelle Perry Bunt, a eu sa chance, et l’a loupée. Perry Bunt aurait pu être un scénariste couru, être quelqu’un… mais Perry a pris le mauvais embranchement et, à l’aube de la maturité, n’a rien d’un magnat d’Hollywood. Le scénariste prometteur des débuts est devenu un professeur qui enseigne l’écriture de scénarios à des étudiants tous plus débiles et imbus d’eux-mêmes que les autres. Perry Bunt est moyen, il a une petite bedaine, commence à se dégarnir, vit seul dans un taudis, et surfe abondamment sur les sites pornographiques sur son temps libre. Et pourtant, c’est de lui que dépend le destin de la Terre.

Car il suffit d’un hasard pour que Perry découvre la triste réalité : tout l’univers se gausse des terriens, ces abrutis qui se font la guerre constamment, s’entre-déchirent pour l’argent et le sexe. C’est un peu comme les Simpson, à l’échelle mondiale.

Prime Time, Jay Martel, Super 8 éditions

Et les audiences sont en berne. A tel point que la direction de la chaîne qui diffuse la Terre, Channel Blue, décide d’organiser une fin spectaculaire pour essayer de drainer une nouvelle fois de nombreux spectateurs : une fin du monde exceptionnelle ! Et disons qu’avec Perry comme seul moyen d’inverser la tendance… nous sommes plutôt mal barrés. Hélas.

Enfin, hélas… tant mieux, en fait ! Car les aventures de Perry sont hilarantes, aux yeux des spectateurs de Channel Blue, mais également du lecteur, qui se régale de ses maladresses. Perry Bunt est un anti-héros comme on ne les fait plus : il est particulièrement doué pour se retrouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Avec l’aide ambivalente d’Amanda, une sublime productrice particulièrement ambitieuse qui fait littéralement fantasmer notre héros, Perry doit parvenir à rendre la Terre attractive de nouveau. Et, soyons clairs : ce n’est pas une nouvelle saison des Anges de la téléréalité qui suffira.

Pendant que Perry Bunt court à droite et à gauche pour sauver la planète, le lecteur découvre la civilisation des Edenites, ces extraterrestres supérieurs qui nous observent de l’autre bout de la galaxie. Les Edenites ont éradiqué la violence, ont mis l’orgasme en pilule, et ne s’abaissent plus à laisser le hasard décider de leurs gênes : d’ailleurs, chez eux, on ne fait plus l’amour du tout, c’est moite, collant, dégoûtant. Et l’on risque de se retrouver avec un « produit de fornication » (comprendre, un enfant) sur les bras. Les Edenites sont donc d’indécrottables snobs qui considèrent les Terriens (appelés ici « Terricules », ça ne s’invente pas) comme des cousins dégénérés et primitifs, mais terriblement, terriblement drôles.

Ce qu’il faut avant tout savoir à propos de Prime Time, c’est que c’est drôle. Jay Martel joue avec les fondements de notre quotidien et tourne tout en dérision : religion, politique, les travers de la société de consommation, Hollywood… tout y passe, pour notre plus grand plaisir ! L’action est omniprésente, il ne faut pas laisser retomber le soufflé, surtout quand le devenir de la planète est en jeu !

Si ce n’est certes pas le meilleur roman que nous ont proposé les éditions Super 8, Prime Time est indéniablement un roman hilarant, doublé d’un page-turner particulièrement efficace. Écornant avec un solide sens de la dérision notre quotidien et tournant particulièrement en ridicule the American Way of Life, du mode de vie du quidam moyen jusqu’aux prisons secrètes du gouvernement, Prime Time évite habilement les écueils du manichéisme (pas de Terriens totalement ineptes face à des Edenites intellectuellement et moralement meilleurs… même si c’est le postulat de départ !) et conquiert son lecteur haut la main.

Prime Time, Jay Martel. Super 8, 2015. Traduit de l’anglais par Paul Simon Bouffartigue.

Par Emily Vaquié

A propos Emily Costecalde 1036 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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