Le Héron de Guernica ou l’art de la guerre

Le Héron de Guernica, Antoine Choplin, Points

Antoine Choplin a déjà quelques romans à son actif, dont quelques-uns très remarqués. Le Héron de Guernica, tout juste réédité chez Points, est de ceux-là.

Juillet 1937. Basilio, peintre amateur spécialisé dans les hérons cendrés qu’il croque dans les marais de la Renteria, à Guernica, est à Paris pour voir le tableau éponyme de Picasso. C’est le père Eusebio qui l’a poussé à venir, car Basilio a, selon lui, un bon coup de pinceau. Basilio et Eusebio savent que l’on va s’intéresser à leur village, et aimeraient faire entendre leur voix.

Guernica, avril 1937. Ce matin du lundi 26, alors que la ville s’est vidée des habitants craignant les Nationalistes, Basilio rejoint son poste d’observation dans les marais. Ne pensant qu’à Celestina, une des jeunes ouvrières de la manufacture de confiserie, il se met à peindre le plus beau héron de sa création, bien décidé à lui offrir la pièce maîtresse de son art. En ville, tout le monde s’accorde à dire qu’il peint bien, sans vraiment comprendre l’attrait qu’il trouve à ces volatiles, capable d’être palpitant de vie en pleine immobilité.
Ce matin du 26, il y a aussi un soldat déserteur qui rampe dans le marais et demande à Basilio de garder le silence.
Ce matin du 26, ils voient tous les deux les premiers bombardiers sillonner le ciel… au-dessus du marché. Plus tard, Basilio arpentera cette même place, armé d’un appareil photo prêté par le père Eusebio. Les deux hommes ne sont sûrs que d’une chose : il faudra témoigner. Crier au monde entier ce qui vient de se dérouler.

Le Héron de Guernica, Antoine Choplin, Points

Sous ses allures de poche peu épais et facile à lire, Le Héron de Guernica cache bien son jeu. Oh, bien sûr, vu le titre, on imagine sans peine de quoi il va être question. On s’attend à un récit assez dur et, de ce côté-là, on est servi. Mais on ne s’attend peut-être pas à une aussi belle et poétique réflexion autour de l’art, qui permet d’exprimer les pires exactions dont on a été témoins, ou dont on a entendu parler.

Mais comment peut-on peindre des événements si on n’y était pas quand ils se sont produits ? demande Basilio. Lui qui ne peut que peindre des hérons s’étonne que Picasso, qui n’a pas mis les pieds à Guernica, puisse en représenter le massacre. Lui n’a pas réussi à peindre, il a seulement pris des photos : clichés de bombardiers, bâtiments en feu, bicyclette tournant à vide sur une place désertée et en ruine… autant d’instantanés qui tentent de traduire avec pudeur et sobriété la tragédie en cours.

Pudeur et sobriété, c’est aussi ce dont se pare le texte. Avec une économie de mots, Antoine Choplin fait jaillir des images et sensations puissantes qui saisissent le lecteur. Si la peinture de Basilio a échoué à traduire son incompréhension face à l’horreur, le texte d’Antoine Choplin, lui, rétablit l’équilibre. Peu de pages, peu de mots, mais un texte à couper le souffle. Le Héron de Guernica est de ces pépites que l’on chérit et relit !

Le Héron de Guernica, Antoine Choplin. Points, 15 janvier 2015. 

Par Oihana

A propos Oihana 710 Articles
Lectrice assidue depuis son plus jeune âge, Oihana apprécie autant de plonger dans un univers romanesque, que les longues balades au soleil. Après des études littéraires, elle est revenue vers ses premières amours, et se destine aux métiers du livre.

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