Montre-moi ton visage, un texte touchant

Véritable chant d’amour, Montre-moi ton visage est le récit d’une conversion, mais aussi celui d’une attirance irrésistible, d’un appel et d’une révélation. Véronique Lévy raconte dans ce texte son expérience, d’une vie en quête de sens à la sérénité d’une foi sincère et apaisante.

À la fois témoignage et ode, ce livre alterne différents niveaux : le parcours d’une femme, enfant blessée, adolescente en révolte puis jeune adulte tourmentée sur la voie de sa rencontre avec Dieu. Imbriqués dans ce récit de vie qui est le soubassement du texte, plusieurs autres niveaux, tant dans le contenu que dans le style d’écriture. Des extraits de textes sacrés, versets d’Ecritures et paroles de Saints, introduisent chaque chapitre et se mêlent à la parole de la narratrice. Des songes, des signes et des visions parsèment les pages où s’entrecroise une longue prière, à la fois dialogue et lettre d’amour à Dieu.

Quand on commence la lecture de ce livre, le premier choc vient de sa sensualité. Faisant écho à la parole « le Verbe s’est fait chair », le texte de Véronique Lévy est incarné et charnel : une femme nous parle de, et avec son corps, qui souffre, qui aime, qui ressent et qui vibre à l’image du corps de ce Dieu qu’elle adopte comme sien. Tout passe par le corps, s’imprime dans sa chair, qu’il s’agisse des moments où sa foi vacille et se perd dans l’autodestruction, des souvenirs de sexualité, ou d’appel de ce Dieu qui s’imprime dans tout l’être. Véronique Lévy n’intellectualise pas le sens de cet appel, elle le ressent, elle l’éprouve et le vit, quitte à passer parfois pour une illuminée aux yeux de ceux qui ne la comprennent pas. Corps malmené quand la jeune fille sans repères se donne pour mieux se rejeter, puis épuré, aimé respecté quand la jeune femme choisit la voie de Dieu. Ce chant du corps est particulièrement sensible dans les passages dialogués avec Dieu, où le lecteur a l’impression de lire une véritable confession amoureuse, désirante et presque érotique par ses images et métaphores. Le lecteur pourrait se sentir impudique, avoir la sensation d’écouter une conversation et de s’immiscer dans l’intimité de deux personnes, mais sous l’individualité et la relation unique de cette femme à Dieu perce une universalité qui concerne tout être vivant.

Pour moi, Dieu c’est la vie, expliquait son père à Véronique Lévy. Elle ajoute une profession de foi à cette définition du Dieu auquel elle se consacre : je suis devenue catholique car je suis juive. Sans renier la tradition dans laquelle elle est née, elle construit des passerelles, dans un œcuménisme très humain et sensible. Sans violence, elle remet en question les gardiens du Temple et les dogmes figés, elle apostrophe les docteurs de la Loi, les scribes et les grands prêtres, qui ont, dit-elle, confisqué Dieu.

Pourquoi avez-vous rompu la transmission de la grâce, écrit-elle. Elle croit en un Dieu d’amour sans frontières et sans peur qu’elle rencontre via la foi chrétienne, sans pour autant renier celle de sa famille. Pour elle, la mission du judaïsme s’incarne et s’accomplit dans le Christ offrant l’élection et la rédemption au monde entier.

Sans être un traité de théologie, ce texte aborde la question du « divorce » entre ces religions et l’auteur explique avec simplicité ce qui l’a attiré dans la religion catholique. Sans prosélytisme, bien qu’elle ait pu en être accusée lors de certains évènements de sa vie, elle dit son engagement et ce qui lui semble juste.

Ce texte, s’il parle de la quête de sens d’une jeune femme déboussolée, est bien davantage qu’une simple recherche : il est l’affirmation d’une certitude. Son Dieu est là, et elle est là pour lui. Réponse à toutes les errances, absolu face à tous les cheminements et doutes. Elle a une place dans le monde, Il a une place dans son cœur. J’ôterai de votre corps le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair (Ezéchiel), cite l’auteur plusieurs fois au cours du livre.

Une autre qualité frappante de ce texte est sa poésie et sa grâce. Langage amoureux, fleuri, imagé, Cantique des Cantiques du 21e siècle, cette écriture luxuriante fait penser à certains passages de Belle du Seigneur d’Albert Cohen, en particulier dans les poèmes dialogués avec Dieu qui sont la chair vivante du livre. Sans fard, sincère et généreuse, elle dit l’acceptation, et se livre sans concession, avec confiance, comme autant de gages d’amour.

La grâce, au sens de beauté, si elle est notable dans le lyrisme de l’écriture, comme touchée et illuminée par cet appel du cœur, s’incarne, presque au sens étymologique de « bienveillance et faveur » dans les rencontres qui jalonnent la vie de la narratrice au fur et à mesure de son avancée. De la petite fille de son enfance, en passant par ceux qui la soutiennent et la guident, jusqu’à ceux qui l’ont poussée à transformer cette expérience en livre et à la partager, la grâce arrive dans ces rencontres, comme des petits phares dans la tempête, points de résilience dans une vie chaotique, douloureuse et en quête d’absolu.

Montre-moi ton visage, Véronique Lévy, Editions du Cerf

Tout au long du livre, place est laissée à la féminité : questionnement pour la femme et pour l’écrivain, objet d’une société de consommation sexuelle que l’auteur dénonce après l’avoir vécue/subie, et réflexion sur la place du féminin dans la religion, en particulier  catholique. Et Véronique Lévy de rappeler le nombre et l’importance des femmes dans la vie du Christ, puis dans la transmission et l’affirmation de l’engagement chrétien. Évidemment, Véronique a une résonance particulière dans l’histoire chrétienne et le prénom de l’auteur semble ainsi symbolique et riche de significations. Un passage émouvant est celui où l’auteur se dépouille de tous ses artifices, vêtement et fards, pour devenir elle-même.

Ainsi ce livre raconte une réappropriation de soi, une reconquête de son corps, de ses sentiments et de ses véritables aspirations, au péril d’une image sociale et de ses relations avec les autres. Formidable cri d’amour, ce texte adresse aussi à la famille de l’auteur, ses parents et ses frères, un bel hommage et témoigne de liens de profonde affection et de respect  mutuel.

Que l’on soit croyant ou pas, ce texte touche par sa sincérité : histoire d’un cheminement, d’un engagement fait de certitudes, de doutes et de difficultés qui rappellent les épreuves que rencontrent les héros dans les contes, il est aussi un puissant chant d’amour et de confiance. Témoignage individuel et face à face avec Dieu, Montre moi ton visage est le récit d’une recherche universelle d’accomplissement, d’équilibre et de sens, à laquelle se confronte toute vie humaine.

Montre-moi ton visage, Véronique Lévy. Editions du Cerf, 2015

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