Là où tombe la pluie, morne pluie

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La rentrée littéraire des Escales propose le premier roman de Catherine Chanter, un récit dramatique  mâtiné d’anticipation et de thriller où il est question de pluie, de sécheresse et d’une secte.

Ruth et son mari, Mark, ont décidé de quitter Londres pour s’établir à la campagne, où ils achètent un vaste domaine, la Source. Alors qu’une sécheresse impitoyable s’abat sur le monde, la Source continue de voir ses champs verdir, sa terre donner fruits et légumes en abondance, la pluie revenir avec régularité. Évidemment, l’attention des scientifiques et bientôt du monde entier se tourne vers ce paradis sur terre, alimenté en eau et en pluie comme si de rien n’était, alors que le reste du monde meurt de soif. Ruth et Mark évitent l’expropriation de justesse, mais un autre combat commence pour eux : le domaine est assailli par toutes sortes de gens qui espèrent profiter de la manne miraculeuse. Alors qu’ils ont décidé de refuser l’entrée à quiconque, leur fille Angie ouvre grand le portail à un ordre religieux marginal et peu répandu : la Rose de Jéricho. Sous la houlette de Sœur Amelia, les quatre Sœurs de la Rose prennent pied à la Source, s’immisçant peu à peu dans la maison et le cœur de Ruth. Or, un jour, c’est le drame. Lucien, le fils d’Angie et petit-fils de Ruth, est retrouvé assassiné. Qui l’a tué ? Mark ? Ruth ? Une des Sœurs ? Un psychopathe qui passait par là ? Personne ne le sait au juste.

L’histoire débute par la fin. La justice a tranché et décidé que Ruth faisait un coupable plus que crédible. Elle sort de prison et est assignée à résidence, à la Source, domaine déserté de ses habitants de cœur, peuplé de scientifiques et de gardes qui la surveillent. Ruth refuse de s’impliquer : elle laisse le domaine à l’abandon, refuse de jardiner et renomme ses gardiens. Désormais, ils seront Ado, Anonyme et Trois. Les jours passent et se ressemblent : Ruth n’a rien d’autre à faire que se torturer l’esprit. A-t-elle, oui ou non, assassiné son petit-fils dans un délire hallucinatoire ? Si oui, pourquoi, comment en est-elle arrivée là ? Si non, qui l’a fait et pourquoi ? Mark, qui a quitté le domaine, aurait-il pu commettre l’irréparable ? Là où tombe la pluie est donc un drame psychologique, qui lorgne vers l’anticipation avec son contexte de sécheresse et vers le thriller en raison de sa construction.

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Malheureusement, il n’est pas aussi prenant que ce à quoi on pourrait s’attendre. Comme l’histoire commence par la fin, Ruth fait constamment référence à des événements ou personnages que le lecteur n’a pas encore rencontrés… le début est donc un peu confus. De plus, le récit alterne entre le présent et les souvenirs du passé : cela permet certes de mieux comprendre certains points ou de découvrir les personnages dans toute l’étendue de leurs nuances, mais cela crée aussi des longueurs difficiles à ignorer. Ruth étant seule, il y a peu de dialogues à se mettre sous la dent et l’ambiance du huis-clos solitaire est rapidement pesante. Il faut longtemps avant que l’on ne découvre ce qui s’est réellement passé la nuit du drame, puisque le récit des événements n’intervient que dans les derniers chapitres. Avant cela, on ressasse les mêmes informations, les mêmes soupçons et il faut s’armer de patience avant de voir l’intrigue évoluer.
De ce fait, le suspens n’est pas si important : puisque justice a déjà été rendue et le doute sur la candidature de Ruth au meurtre bien installé dans l’esprit du lecteur, on ne meurt pas d’impatience de savoir qui a commis l’irréparable. On se passionne bien plus pour l’histoire de Ruth et Mark et la déliquescence annoncée d’un mariage qui battait déjà de l’aile.  Au fil des jours rappelés par Ruth, la tension monte, d’autant que la secte installée sur leurs terres se montre redoutablement insidieuse. Voir comment Sœur Amelia étend son emprise sur ses disciples et, particulièrement sur Ruth, voilà qui est intéressant ! Mais, du coup, on regrette toute cette attention accordée au départ à la sécheresse et à l’eau : si cela permet de montrer comment la société jalouse et, peu à peu, ostracise le couple, la donnée passe complètement à la trappe dès lors que la secte entre en jeu ; c’est un peu dommage, car l’idée était prometteuse, mais reste finalement sous-exploitée.

Voilà donc un premier roman prometteur, mais pas exempt de défauts : si le contexte est original et la construction plutôt intéressante, les longueurs, l’absence de véritable suspens et la sous-exploitation de l’anticipation le rendent moins prenant que ce à quoi on aurait pu s’attendre au vu des éléments annoncés.

Là où tombe la pluie, Catherine Chanter. Traduit de l’anglais par Philippe Loubat-Delranc. Les Escales, 20 août 2015. 

A propos Oihana 710 Articles
Lectrice assidue depuis son plus jeune âge, Oihana apprécie autant de plonger dans un univers romanesque, que les longues balades au soleil. Après des études littéraires, elle est revenue vers ses premières amours, et se destine aux métiers du livre.

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