Insaisissable, un roman à l’intrigue… insaisissable.

Insaisissable, Jennifer Dubois, Robert Laffont

THRILLER — Jennifer Dubois, jeune auteur américaine, a été récompensée par la National Book Foundation pour son premier roman, Une histoire partielle des causes perdues (publié chez Laffont en 2014). Elle publie cette année son deuxième roman, Insaisissable.

Lorsque Lily arrive à Buenos Aires pour son semestre à l’étranger, elle est enthousiasmée : l’architecture colorée, la nourriture, son charmant et insaisissable voisin… elle est heureuse de se voir enfin libérée de l’atmosphère étouffante de sa famille, endeuillée par la mort de Janie, feue sa grande sœur, survenue avant sa naissance.
Sa colocataire américaine, Katy, n’est pas très marrante, mais Lily n’est pas venue jusqu’en Argentine pour traîner avec des Américains, de toute façon : la vie s’offre à elle !
Or, cinq semaines plus tard, Katy est retrouvée dans la maison de leur famille d’accueil, brutalement assassinée. Lily est la première suspecte et tous les regards se tournent vers elle.

L’histoire débute avec le voyage qu’effectuent Anna, sœur cadette de Lily et leur père, à Buenos Aires, pour aller voir Lily… en prison. En effet, au début du roman, Katy est déjà morte depuis plusieurs jours : la presse locale s’est emparée de l’événement, les emails et photos de Lily ont débordé partout et tout le monde, absolument tout le monde pense savoir qui elle est – une image à l’opposé de l’adolescente que pensait connaître sa famille. De fait, cette question de l’image devient, très vite centrale : qui est vraiment Lily ? Amorale, provocante, instable : pourrait-elle être une meurtrière ? Ou est-elle simplement jeune, égocentrique, piégée par un système légal que, dans sa naïveté, elle n’a pas assez pris au sérieux ? Alors que les preuves s’accumulent, l’étrange indifférence de Lily étonne, dérange… on glose beaucoup sur la roue qu’elle aurait effectuée en plein interrogatoire, sur les larmes qu’elle n’a, semble-t-il, pas versées. La police s’interroge, le public s’interroge, la famille et les proches de Lily s’interrogent… Le lecteur, quant à lui, s’interroge sur l’intrigue : va-t-elle, oui ou non, décoller un jour ?

Insaisissable, Jennifer Dubois, Robert Laffont

Car on ne peut dire que le roman soit franchement palpitant. Commençons par la structure. Celle-ci respecte le schéma tellement à la mode, de nos jours, pour les thrillers : on nous place à l’instant présent, après que l’irréparable a été commis, afin de bien montrer la détresse de l’innocent accusé, avant de nous infliger une longue analepse censée nous montrer à quel point ce personnage vaut qu’on ne l’abandonne pas. Résultat ? C’est long.
D’autant que, de temps en temps, on revient au présent avant de retourner dans le passé, dans un incessant va-et-vient qui semble désespérément artificiel.
De plus, l’interrogation des proches de Lily est particulièrement vaine : celle-ci oscille entre aveux et rétractations, les proches sont incapables de trancher. De temps en temps, on passe aux points de vue d’autres personnages comme Sébastien, le fameux voisin, dont on ne sait pas exactement s’il est le fils indolent d’escrocs ou un simple parvenu désœuvré. Il y a aussi Eduardo, le juge d’instruction, partagé entre son désir de faire jaillir la vérité et son histoire d’amour plus que chaotique avec son épouse intermittente… Si les interventions du personnage sont les bienvenues, tous les à-côtés semblent, malheureusement, parfaitement superflus. Il en va de même pour la famille de Lily : on comprend assez vite que les parents ont été brisés par la mort de Janie, leur premier enfant, qu’ils ont eu Lily et Anna comme dans un simple réflexe de survie, mais que leur couple était mort et enterré bien avant ça. Là encore, ce n’est pas inintéressant, mais pas franchement nécessaire pour l’intrigue, d’autant que leurs réflexions sur leur rôle parental ou la vie de leurs filles tournent assez vite en rond.
Il y a, de fait, une galerie de personnages assez vastes, mais malgré un certain soin apporté à leurs pensées, réflexions et évolutions, on peine à se passionner pour leurs destinées – ou celle de Lily, qui est tout de même la principale intéressée.

Par ailleurs, aucune véritable résolution n’est amenée en fin de roman. On avance bien la potentielle culpabilité d’un éventuel complice, mais la répartition des rôles entre lui et Lily reste particulièrement nébuleuse jusqu’à la fin.
Conclusion : c’est long, pas très creusé niveau intrigue et dépourvu de chute réellement parlante. Décevant de bout en bout.

Insaisissable, Jennifer Dubois. Robert Laffont, 18 février 2016. Traduit de l’anglais par Daphné Bernard.

A propos Oihana 710 Articles
Lectrice assidue depuis son plus jeune âge, Oihana apprécie autant de plonger dans un univers romanesque, que les longues balades au soleil. Après des études littéraires, elle est revenue vers ses premières amours, et se destine aux métiers du livre.

2 Commentaires

  1. Hm, étrange comme construction… J’ai tendance à bien aimer les jolies galeries avec plein de personnages, mais ton avis me refroidit bien !

    Je découvre seulement ton blog (depuis quelques jours), mais c’est un plaisir de lire tes chroniques, elles sont toutes superbement écrites !

    • Je pense pouvoir dire au nom de l’ensemble de l’équipe de rédaction qu’on est ravis du compliment 🙂
      Concernant Insaisissable, j’ai l’impression qu’il reproduisait une structure assez fréquente en films… mais là, c’était malheureusement moins percutant.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.