Festival America : rencontre avec Francis Geffard !

INTERVIEW — À l’occasion du festival America, qui se tiendra à Vincennes du 8 au 11 septembre prochain, nous avons eu l’occasion de poser quelques questions à Francis Geffard, à qui l’on doit trois monuments de la littérature américaine en France : la librairie Millepages à Vincennes, la collection « Terres d’Amérique » chez Albin Michel et, bien sûr, le festival America lui-même !

Vous êtes le créateur du festival America. Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce beau projet ?

En fait, l’idée s’est imposée qu’il n’y avait pas de grand évènement consacré à l’une des littératures étrangères pour laquelle les lecteurs français ont de tout temps manifesté intérêt et curiosité. De plus, qui dit littérature étrangère dit écrivains absents par définition puisqu’ils viennent d’ailleurs. Quand on invite un auteur étranger en France, c’est souvent pour le lancement d’un livre, donc un temps très court et limité à la promotion. Or pour rendre la littérature vivante, rien de tel que de rassembler des écrivains et de les écouter échanger ensemble et aller à la rencontre de leurs lecteurs. Il  y a une énergie incroyable qui se met alors en place, et qui célèbre le pouvoir des mots, des idées, et de la littérature.

C’est déjà la 8e édition du Festival America. Depuis la première édition, en 2002, comment le marché du roman américain en France a-t-il évolué selon vous ?

Je crois que, de plus en plus, les lecteurs sont curieux et exigeants. Et comme nous vivons dans un monde interconnecté, l’information se diffuse très vite et on est plus en phase encore avec le travail de création, quel que ce soit son domaine. Aujourd’hui, les éditeurs français sont très attentifs aux littératures qui viennent d’ailleurs, et à la littérature américaine qui s’est beaucoup enrichie et diversifiée ces dernières années.

Francis Geffard, Festival America
Francis Geffard

Comment est née votre passion pour la littérature américaine ?

Elle est née de mes lectures d’enfant, puis d’adolescent. Je pense que chacun de nous est révélé lui-même en tant que lecteur par une ou plusieurs littératures, qui résonnent particulièrement en nous. Pour moi, c’est la littérature américaine, et au-delà la culture et l’histoire de tout un pays. Difficile de séparer la littérature du reste d’une culture, et elle est par définition le produit d’une expérience humaine dans un lieu et un temps donnés.

Vous êtes également le fondateur de la librairie Millepages et éditeur chez Albin Michel. Comment gère-t-on cette triple casquette ?

Si je n’avais pas d’abord été lecteur de littérature américaine, je ne serai jamais devenu éditeur dans ce domaine, et encore moins créateur d’un festival qui lui est consacré. Et tout se nourrit et participe d’un même mouvement. Editeur, je reste d’abord lecteur. La librairie a été déterminante dans mon rapport au livre,  j’avais 20 ans quand j’ai créé Millepages. Et très vite elle a accueilli un grand nombre d’écrivains américains, ce dès les années 80. Jim Harrison, John Irving, Toni Morrison, Richard Ford, pour ne citer qu’eux, n’étaient pas encore très connus du public à cette époque. Si Millepages m’appartient toujours aujourd’hui, je n’en suis plus le directeur depuis 1997, date à laquelle je suis devenu éditeur à plein temps. Quant au festival, il fonctionne exclusivement avec des bénévoles. Nous donnons tous temps et énergie pour qu’il puisse voir le jour tous les deux ans. C’est le seul évènement de cette taille en France à fonctionner sans salariés ni permanents, et qui rassemble aussi largement toutes les professions du livre. L’équipe d’America, si on rassemble celles et ceux qui y prennent une part active à un moment ou un autre, compte environ cinq cents personnes

Votre collection « Terres d’Amérique » fête ses vingt ans cette année. Quel bilan dressez-vous de ces deux décennies d’édition ?

Beaucoup de travail et surtout beaucoup de plaisir. Du travail, car il n’est pas facile de faire émerger des auteurs aujourd’hui. Nous vivons dans un monde saturé d’informations, de propositions, où les nouvelles technologies et les réseaux sociaux créent un champ des possibles qui donnent le vertige. La lecture, et le livre en général, ont du mal à rivaliser et sont en perte d’influence, et il nous faut tout faire pour contrer cela. La surproduction éditoriale, la diminution de la part du livre dans les médias, la crise que traverse la presse écrite sont autant de paramètres qui compliquent la situation. Et beaucoup de plaisir, car malgré les difficultés, c’est formidable de faire émerger de nouvelles voix, de les rechercher, de les accompagner. Ce sont autant d’univers littéraires, autant de rencontres, qui font le sel de ce métier et qui permettent de tenir le cap quand le moral est en berne.

Quel est votre dernier coup de cœur ?

Le nouveau roman de Colson Whitehead, The Underground Railroad, qui paraîtra à la prochaine rentrée littéraire. C’est un livre exceptionnel qui revisite la question raciale d’une manière inédite et puissante, que je suis très fier de publier l’année prochaine.

Enfin, une question géographique pour finir ! Quelle est la ville américaine qui a votre préférence ? Êtes-vous plutôt côte est ou côte ouest ?

J’aime New York, même si la ville change beaucoup et pas de la meilleure manière, mais je préfère l’Ouest pour de nombreuses raisons. Si je devais choisir une ville où m’installer, San Francisco tiendrait une place de choix. La ville est très belle et il y règne un formidable esprit, de surcroît la baie est magnifique et la région tout autant. C’est certainement la plus européenne des villes américaines pour de multiples raisons. Après Seattle, Portland, et Denver tiendraient la rampe.

Un grand merci à Francis Geffard pour le temps qu’il nous a consacré, mais également et surtout pour les magnifiques découvertes que nous faisons régulièrement grâce à la collection « Terres d’Amérique », et pour les très belles rencontres que nous nous apprêtons à faire au festival America.

Festival America, Vincennes, Littérature américaine

 

A propos Emily Costecalde 1036 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

1 Commentaire

  1. Un festival que j’ai pu enfin découvrir cette année et qui ne sera pas la dernière! Vraiment très chouette, des conférences très intéressantes et le cadre est magnifique!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.