Stupor Mundi, l’image de Dieu, le poids du savoir

BANDE-DESSINÉE — Au début du XIIIe siècle, Hannibal Qassim El Battouti, un éminent savant arabe, débarque dans les Pouilles à Castel del Monte, refuge d’érudits en tous genres. Accompagné de sa fille Houdê, paralysée, et d’El Ghoul, son serviteur masqué, il a dans ses bagages une invention extraordinaire : la photographie. Pour obtenir la protection de Frédéric II et continuer ses recherches, il lui faudra retrouver une formule chimique disparue, complaire à l’empereur… et lutter contre les forces ennemies liguées contre lui.

Le dessin de type roman graphique, qui peut faire penser à Sfar (dans sa bonne période), est volontairement dépouillé pour privilégier la lisibilité et le flux narratif. Le découpage quasi cinématographique garde le lecteur en haleine tout au long de cet imposant ouvrage de 288 pages.
Les différents personnages ont leur histoire propre, qui s’imbrique parfaitement à l’intrigue générale pour l’enrichir et lui insuffler toute sa force. Houdê, la petite fille traumatisée par la mort de sa mère, qui cherche à retrouver la mémoire, est le personnage clef. Son intelligence et sa quête d’elle-même en font le personnage le plus intéressant de l’ouvrage. On aime particulièrement les références érudites à l’optique, la photographie et l’inconscient.

Stupor Mundi, Néjib, Éditions Gallimard

L’intrigue, menée par un suspens qui monte doucement, avec ses indices délivrés au compte-goutte, doublé du questionnement sur la science et la religion, rappelle celle du Nom de la Rose. Néjib utilise le symbolisme pour faire de sa bande dessinée un certain miroir de notre époque et des dangers qui nous guettent. L’obscurantisme religieux du treizième siècle face à la science, sa répression systématique de tout ce qui pourrait remettre en question l’existence d’un dieu, n’est pas sans faire écho à certaines problématiques d’actualité. L’image et son pouvoir de manipulation sont également au cœur du récit. Heureusement, l’histoire se termine sur une note positive qui nous redonne espoir. Capturer l’image, dit Hannibal, « ça sert à se souvenir des belles choses ».

Auteur encore peu connu du grand public, malgré le succès de son dernier album, Haddon Hall – quand David inventa Bowie, Néjib signe ici un ouvrage engagé, pour la défense de nos libertés, notre droit à la recherche, à la science et, bien entendu, à l’art.

Stupor Mundi, Néjib. Éditions Gallimard, 2016.

 

 

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