Anne-Laure Bondoux, conteuse moderne

D’Anne-Laure Bondoux, on avait remarqué les excellents titres Les Larmes de l’assassin ou encore Au temps des miracles. Cinq ans après ce dernier titre, l’auteur revient, chez Gallimard cette fois, avec un roman destiné à la jeunesse : Tant que nous sommes vivants. Un roman puissant, envoûtant, qui marque durablement.

Il était une fois une ville en crise : chômage, misère, dépression ont eu raison des habitants. Les rares qui travaillent encore vont, encore et encore, à l’Usine, la seule encore en route à des milliers de kilomètres à la ronde, une usine qui fabriquait des munitions et du matériel de guerre.
La ville avait connu des siècles de grandeur, de fortune et de pouvoir ; des temps héroïques où ses usines produisaient à plein régime, où les richesses débordaient des maisons. Des temps révolus, emportés par une triste époque, sans rêves, sans désirs, sans couleurs, dominée par l’Usine.
C’est là que travaille Hama.
C’est là que Bo, un étranger, arrive un matin d’hiver.
Cette histoire, c’est celle de Bo et Hama.
Leur coup de foudre réveille les cœurs endormis de la population. Le Castor Blagueur, unique cabaret de la ville, rouvre ses portes, sous l’élan d’enthousiasme porté par cette histoire d’amour incandescente. Là, Bo découvre la magie des illusionnistes, la poésie des artistes de rue, la délicatesse de l’art… lui qui ne sait que forger de grossières pièces de métal.
Le dimanche, lorsque l’usine dort, Hama emmène Bo danser. Tout pourrait continuer ainsi si un troisième personnage n’entrait pas dans la danse : l’usine. L’usine qui, peu à peu, dévore les ouvriers, leurs âmes, leurs corps. L’usine qui, un beau matin, explose, ravage la ville, les vies, les vœux des gens qui se reprenaient à espérer.

Après l’explosion, les quelques reconstructions, vient la suspicion. Contre l’étranger. Contre l’amoureux. Contre celui qui a osé défier l’ordre établi. Bo et Hama se jettent alors sur les routes, tentant de réinventer leur vie, leur histoire, tentant de survivre et de trouver d’autres façons de se débrouiller.
Les voyages forgent la jeunesse, dit-on. Et ce voyage forge Bo et Hama. Au gré de leurs errances, de leurs pauses, plus ou moins longues, des endroits qu’ils traversent, Bo et Hama réinventent leurs vies et se découvrent eux-mêmes, en rencontrant d’autres personnages, fantasques, ou plus réalistes.
Le roman est construit comme un cycle de vie sans cesse renouvelé et rappelle les structures du conte. Comme dans les contes classiques, certains thèmes et motifs reviennent : le voyage, les transformations, l’apprentissage, la quête. Certains passages sont proprement merveilleux et, comme dans les contes, le fantastique s’invite de temps en temps dans le récit, sans être totalement expliqué, ni considéré comme étrange ou irrationnel.

Anne-Laure Bondoux dévide cette aventure d’un style ciselé, envoûtant, poétique. On se laisse porter par l’histoire, les découvertes, et on en apprend autant sur nous-mêmes que sur les personnages. La quête est parcourue de passages hautement symboliques, comme autant d’épreuves initiatiques, qui renforcent l’aspect merveilleux de l’histoire.
On ressort de ce récit profondément marqué, avec l’impression que l’histoire de Bo, Hama, et de tous ceux qui les accompagnent laissera un souvenir durable. Il ne faut pas se laisser rebuter par la mention « Jeunesse » : Tant que nous sommes vivants est beaucoup plus que cela. C’est une véritable merveille littéraire, de celles auxquelles on pense encore des années plus tard !

Tant que nous sommes vivants, Anne-Laure Bondoux. Gallimard jeunesse, 25 septembre 2014.

Par Oihana

A propos Oihana 710 Articles
Lectrice assidue depuis son plus jeune âge, Oihana apprécie autant de plonger dans un univers romanesque, que les longues balades au soleil. Après des études littéraires, elle est revenue vers ses premières amours, et se destine aux métiers du livre.

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