Notre mère ou la folie maternelle

Notre mère

Joséphine Hurst a un mari alcoolique et trois enfants : Rose qui a abandonné sa famille pour vivre avec son copain, Violet qui a blessé son frère avec un couteau et qui se retrouve dans un hôpital psychiatrique et Will qui est autiste. Une famille parfaite, non ? L’intrigue nous est dévoilée peu à peu par Will et Violet dont on suit alternativement les aventures : elle en hôpital psychiatrique, lui dans le giron de leur mère possessive et un brin sociopathe. Tandis que la fille tente de démêler son esprit embrouillé par la drogue, le fils, observateur silencieux, ne sait plus qui croire : sa mère sans qui il ne saurait vivre, son père fuyant et alcoolique, sa sœur folle et droguée ou son autre sœur qui les a abandonné ?

L’alternance de parole est intéressante. Certes le récit n’est pas écrit à la première personne, mais chaque chapitre suit tour à tour les aventures et les flots de pensée de Violet ou de Will. Les deux enfants de Joséphine ont chacun une vision différente des agissements de leur mère : tandis que le fils a tous ses comportements dictés par la volonté de sa mère, la fille tente de se différencier totalement de sa famille. Violet se réfugie dans la drogue et tient une correspondance secrète avec sa grande sœur dans le but de maintenir un semblant de normalité dans sa vie chaotique.

Notre mère

La psychologie des personnages est très poussée. L’auteure développe l’intensité des émotions de la mère au travers du ressenti des enfants. Joséphine a un comportement complexe à analyser. Pour moi, cette femme est un mystère. Aime-t-elle ses enfants ? Je crois que oui, à sa manière étrange et psychotique peut-être, mais elle les aime quand même. De quoi est-elle capable pour garder ses enfants près d’elle ? Je pense adapté de partir du principe que Joséphine est capable de tout : la désertion de sa grande fille a été un choc, elle ne s’en remet qu’en couvant son fils à la limite du supportable. Elle n’a aucune limite : la pression passive ou la force physique, tous les stratagèmes sont bons pour arriver à ses fins.

La force du récit est de plonger le lecteur dans une sorte de transe. Les faits sont exposés de manière très discontinue, les retours en arrière sont fréquents, produisant parfois des longueurs (surtout au début). Mais l’intrigue se complexifie peu à peu pour former une trame psychologique passionnante. Il est très intéressant d’essayer d’analyser les comportements des uns et des autres via les brides d’informations fournies, tout en prenant en compte les parties occultées par les narrateurs (et oui, n’oublions pas que le point de vue de Will est très éloigné de celui de sa sœur et qu’ils nous montrent ainsi des aspects bien distincts du quotidien de la famille Hurst, formant un puzzle dont il faut retrouver les pièces).

En bref, un drame familial et psychologique agréable à lire, une toile de personnage incroyablement bien tissée et une fin à la hauteur de la tension palpable dans le reste du récit.

Notre mère, Koren Zailckas. Belfond, janvier 2015. Traduit de l’américain par Samuel Sfez.

Par Séverine

A propos Severine Le Burel 136 Articles
Littéraire dans l’âme, j’attends d’un roman, film, ou fiction de l’émotion, des bouleversements, un ouragan de sentiments… Bref, j’aime qu’une histoire me touche et me transforme.

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