Sous-titre et tais-toi !

La nécessité de sous-titrer les films n’est pas quelque chose de nouveau. Depuis 1930 et l’apparition des films parlants, le besoin de traduire s’est imposé comme une obligation. En effet, les spectateurs européens faisaient preuve de réticence à l’heure de regarder des films étrangers. Aussi, le sous-titrage s’est imposé rapidement pour devenir un processus incontournable permettant à un film d’être projeté dans un pays autre que celui dont il est originaire.

Déjà habitués à lire les intertitres des films muets et bénéficiant en général d’un taux élevé d’alphabétisation, les spectateurs européens ont expérimenté une transition sans difficulté majeure vers le visionnage de films sous-titrés. L’aspect peut onéreux de cette technique de traduction cinématographique comparée à celui du doublage et celui des versions multiples a facilité et accéléré l’utilisation du sous titrage et explique sa rapide popularité. De nos jours, les films les plus prestigieux bénéficient des meilleurs sous-titres et doublages. C’est le cas des films sélectionnés pour les oscars. Pour la cuvée 2017, la traduction est d’autant plus à l’honneur qu’elle est présente dans un film à part entière. Premier Contact, film de science-fiction réalisé par Denis Villeneuve, met en scène le Docteur Louise Banks incarnée par Amy Adams, une experte en traduction venu décrypter les premiers messages d’une vie extraterrestre. Une façon originale pour le grand public de découvrir ce métier.

Traducteurs audiovisuel : ses challenges au quotidien

Un traducteur audiovisuel spécialisé dans le sous-titrage de film travaille en générale avec un script et les vidéos du film. Pour les grandes productions il n’est pas rare que le linguiste signe des décharges afin de protéger la confidentialité de l’œuvre. Pour les films plus modestes, il se met en place un contrat de confiance entre le traducteur et le distributeur.

Dans le milieu, il est courant de dire qu’un sous-titre réussi est un sous-titre discret. Si le spectateur ne se souvient pas des sous-titres, c’est qu’ils ont été à la hauteur. Comme l’affirme Didier Rullier – traducteur audiovisuel professionnel – lors d’un entretien pour Cultures Connection, le sous-titre est une « béquille ». Autrement dit « il est là pour aider le spectateur à suivre le film mais il ne doit jamais prendre le dessus sur l’image et sur ce qu’il se passe à l’écran ». La compréhension doit donc être immédiate. Ainsi, adaptation et condensation restent les maîtres mots. Toujours pour Cultures Connection et à propos de l’adaptation des sous-titres, Julian Borsatto, également traductrice professionnelle, nous explique la nécessité d’adapter pour des raisons de structure psychique de l’individu. Ainsi cette structure « se construit sur la structure de la langue dans laquelle une personne apprend à parler. C’est ce qui fait que le rapport à l’humour, à la poésie (…) est si particulier à chaque pays, voire à chaque région dans le cas de dialectes régionaux très présents ». À Dider de rajouter que l’humour s’appuyant sur « la phonétique et l’homonymie » est souvent un véritable « casse-tête » pour le traducteur.

En termes de condensation la traduction de l’anglais vers le français pose toujours un problème délicat au traducteur. En effet, la langue de Molière affiche un taux de foisonnement de 20 %. Le challenge est d’autant plus difficile lorsque les répliques sont longues et riches en informations. Il faut savoir conserver l’essentiel sans perdre le spectateur.

Comment protéger et valoriser le métier de traducteur audiovisuel ?

Il n’existe aucun syndicat pour les traducteurs se spécialisant dans le sous-titrage. Aussi, des associations ont vu le jour. La plus connue est la ATAA (Association des Traducteurs / Adaptateurs de l’Audiovisuel). Véritable carrefour des indépendants souhaitant protéger leur métier et veiller à sa valorisation, cette association permet de faire face à une libéralisation galopante du marché de la traduction qui a vu autant les budgets que les délais de livraisons baisser, rendant ainsi le quotidien du traducteur toujours plus compliqué.

Dans cette même logique libérale, l’apparition de Projet Participatif permettant à n’importe qui de proposer sa traducteur pour les vidéo, projet mis en avant par la chaîne Arte et le tout appuyé par la commission Européenne, laisse Julia songeuse. Elle nous rappelle ainsi que « au-delà de la question du respect du droit d’auteur, du droit du travail et de l’aspect légal de cette initiative cela nous prouve que la route vers la reconnaissance de ce métier de l’ombre (ndlr, traducteur audiovisuel) est encore longue ».

Le métier de traducteur est un métier qui s’est hautement professionnalisé au cours du temps. Méconnu et souvent sous-estimé par le grand public et certains distributeurs, il est pourtant indispensable à la bonne diffusion et à la bonne intégration d’une œuvre cinématographique à l’international. Si les traducteurs ont déjà accepté depuis longtemps de ne pas être mis en avant pour la qualité de leur travail, acceptant sans sourciller de faire un métier où la discrétion est un gage de qualité, ils n’accepteront pas que leur métier ne soit pas reconnu à sa juste valeur par les acteurs du marché.

A propos Kévin Costecalde 303 Articles
Passionné par la photographie et les médias, Kévin est chef de projet communication. En 2012, il a lancé le blog La Minute de Com, une excellente occasion selon lui d'étudier les réseaux sociaux et l'actualité. Curieux et touche-à-tout, Kévin aime les challenges, les voyages et l'ironie.

2 Commentaires

  1. La traduction de film est tout un art. Loin d’être perçu comme repoussant comme cela pouvait l’être au début du cinéma, le sous-titrage est aujourd’hui au contraire un plus pour un grand nombre de spectateurs. Je pense que c’est notamment dû à la démocratisation des séries américaines en Europe et dans le monde.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.