Belgravia : plongée historique dans la haute société anglaise !

ROMAN HISTORIQUE – Le nom de Julian Fellowes ne vous est peut-être pas familier, mais vous connaissez peut-être le titre d’une de ses créations les plus connues : Downton Abbey. Il a en effet signé le scénario de cette série britannique en costume évoquant le destin du domaine aristocratique Downton Abbey de 1912 aux années 1930, via les histoires de la famille d’aristocrates qui l’occupe, mais aussi (et surtout ?) celles de l’armée de domestiques qui y travaille.
Dans la même veine, l’auteur a signé Belgravia, tout juste réédité au format poche, et qui s’est avéré aussi palpitant que la série télévisée !

15 juin 1815. Le bal – devenu légendaire – de la duchesse de Richmond réunit à Bruxelles le gotha de la société anglaise. Ils l’ignorent encore, mais la plupart des beaux officiers présents ce soir-là périront quelques heures plus tard, pour la plupart dans leurs uniformes d’apparat, sur le champ de bataille de Waterloo, faisant passer à la postérité cette soirée comme étant l’une des plus tragiques de l’histoire.
Mais cette nuit ne bouleverse pas seulement la haute société britannique. Elle bouleverse aussi le destin de Sophia Trenchard, la jeune et ravissante fille du responsable de l’intendance du duc de Wellington. La jeune femme n’a pas une position très enviable : évidemment, elle est roturière et son père est, à la fois, un homme méprisé (en raison de sa roture) et très couru, en raison de ses talents de commercial, capable d’approvisionner sans barguigner une armée gourmande en vivres. Dès le départ, Julian Fellowes nous dresse donc le portrait d’une société fortement clivée, très ancrée sur les droits et devoirs de chacun, en fonction de sa position sociale.

Belgravia, Julian Fellowes, 10/18

Vingt-cinq ans plus tard, les Trenchard sont en pleine ascension sociale ; ils habitent le quartier tout neuf et très chic de Belgravia et fréquentent la haute société, laquelle les méprise toujours autant. Et inutile de se dire que seuls les aristocrates ont ce genre d’idées ! Loin de là ! Certains des domestiques employés par les Trenchard les méprisent profondément pour n’être, au fond, que des parvenus et non des gens de qualité – ce qui est d’autant plus paradoxal que les domestiques ne sont jamais considérés comme des gens de qualité !
Si le bal de la duchesse est passé depuis belle lurette, la soirée a durablement marqué les esprits. Les Trenchard pensaient avoir laissé derrière eux les terribles événements de 1815. Ou du moins le croyaient-ils. A l’occasion d’un thé, Anne Trenchard, la mère de Sophia, est violemment confrontée à ses sombres souvenirs, ce qui la pousse à vouloir rétablir une certaine vérité.

Mais dans cette société anglaise en pleine mutation, où l’aristocratie doit désormais compter avec la classe émergente des nouveaux riches, certains sont prêts à tout pour garder leurs privilèges… quitte à déterrer les noirs secrets du passé.
Justement, ces secrets, il faut un petit moment au lecteur pour les déterrer et en comprendre parfaitement toutes les implications. Car Julian Fellowes plante d’abord le décor, les personnages, avant de nous révéler les tenants et aboutissants de leurs relations. Ce qui fait que lorsque l’on découvre enfin ce dont il retourne au juste, on est déjà assez intime avec les personnages… que l’on a appris à apprécier, quel que soit leur bord (ce qui n’est pas rien, tout de même). Les portraits sont ainsi tissés que l’on en arrive à comprendre chacun des protagonistes, y compris les plus désagréables : car si untel empêche les autres de tourner en rond, c’est en raison du désamour qu’il se porte ; et si tel autre en est réduit à manigancer à tout va, c’est avant tout par égoïsme, par crainte de déchoir violemment. Alors, certes, on n’excuse pas tout le monde, mais on se retrouve à en comprendre un certain nombre, contre toute attente.

Evidemment, l’intrigue met l’accent sur les relations entre personnages : qu’elles soient amicales, affectueuses, romantiques ou conflictuelles, ce sont elles qui gouvernent l’intrigue. Et, grâce à ces nombreuses rencontres, c’est tout un portrait de la société du XIXe siècle qui se dessine, tant du point de vue des grands que des petites mains qui œuvrent dans l’ombre. Et c’est passionnant ! De plus, l’auteur s’y entend pour instiller du suspense : on pense savoir comment cela va tourner mais une nouvelle péripétie change la donne du tout au tout. Du coup, malgré un aspect un tantinet linéaire, l’intrigue se suit avec une aisance certaine.

Belgravia propose une bonne intrigue historique, dans laquelle on découvre une fin de XIXe siècle agitée dans la haute aristocratie anglaise, choquée de découvrir les nouveaux riches, ces parvenus qui se hissent peu à peu à leur rang. Ici, tous les coups sont permis, on use et abuse des secrets de famille pour mieux malmener les autres, tout ça sur fond de conventions sociales glacées, d’apparences à maintenir coûte que coûte et d’élans du cœur irrésistibles, qui réchauffent un peu l’ambiance des grands salons. Une belle plongée historique !

Belgravia, Julian Fellowes. 10/18, juin 2017. Traduit de l’anglais par Carole Delporte et Valérie Rosier.

A propos Oihana 710 Articles
Lectrice assidue depuis son plus jeune âge, Oihana apprécie autant de plonger dans un univers romanesque, que les longues balades au soleil. Après des études littéraires, elle est revenue vers ses premières amours, et se destine aux métiers du livre.

3 Commentaires

  1. Oulala ça donne envie ! La photo d’illustration a une classe folle : je file le mettre sur ma wishlist 🙂 (Oui le manque de Downton Abbey commence à se faire sentir …)

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