La Ferme du bout du monde : des embruns, de la bruyère et des drames

SAGA FAMILIALE — Lecteur, ferme les yeux et laisse-toi entraîner dans cette lecture qui t’emmènera aux confins de l’Angleterre, en Cornouailles. Sauvage, changeante et mystérieuse, cette région est à l’image des personnages de ce roman et de leurs secrets de famille.

1943. Pour échapper à la guerre et à son Blitz destructeur, Will et Alice ont été envoyés par leurs parents en Cornouailles, à l’abri loin des bombardements. Ils vont trouver refuge dans une ferme — Skylark Farm — et être intégrés à la famille de Maggie, la fille des fermiers. Au cours des quelques années écoulées depuis le début de la guerre, Will a fait ses preuves et est désormais un jeune homme aguerri aux travaux de la ferme. Mais tout va basculer au cours de cet été 1943.

2014. Lucy est infirmière dans un service de néonatalité, à Londres. Son couple bat de l’aile suite à l’infidélité de son mari, et elle manque de commettre une erreur qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques au travail. Épuisée physiquement et nerveusement, elle décide de prendre du recul pendant quelques temps et va rejoindre sa mère Judith et sa grand-mère Maggie en Cornouailles, à Skylark. Là-bas, elle découvre que la situation de la ferme est bien pire que ce qu’elle pensait. Elle va aussi très vite réaliser que sa grand-mère leur cache à tous un lourd secret.

L’auteure a construit son récit comme une succession d’aller-retours entre ces époques : cela lui permet de distiller les informations et les révélations à un rythme très intéressant. Ces deux temporalités se répondent d’ailleurs extrêmement bien puisqu’elles permettent de mettre en lumière l’évolution de la société, des mœurs, des doutes et des croyances à deux époques finalement pas si éloignées mais pourtant très différentes.

La Ferme du bout du monde, Sarah Vaughan, Préludes,

L’une des grandes forces de ce roman, c’est sa capacité à nous transporter. Dès les premiers chapitres, dès les premières lignes, il suffit de goûter le vent sur sa peau, les embruns salés de la mer, la beauté mystérieuse de la lande. Avec les différents protagonistes, on découvre cette région du bout du monde, ses falaises escarpées et ses plaines balayées par les vents. Ce portrait d’une grande sensorialité dépeint une Cornouailles rude, mais attachante : là-bas, tout est viscéral, sauvage, que ce soient le paysage, les caractères, ou les émotions. Cette impression est d’autant plus renforcée, qu’au fur et à mesure de la lecture, on se rend compte que le personnage principal de ce roman est sans nul doute la ferme en elle-même. Cette bâtisse de granit a abrité tant de secrets, de drames, de peines, mais aussi de joies, de petits moments de bonheur volés au quotidien rude de la vie de fermiers, qu’elle en devient en quelque sorte le réceptacle.

Soyons honnête, l’intrigue n’a, quant à elle, rien d’exceptionnel : elle est seulement le reflet d’une époque révolue. Mais les choix narratifs de Sarah Vaughan, et surtout son écriture, font tout le charme de ce récit. En distillant les éléments avec parcimonie, elle nous donne envie d’avancer dans notre lecture pour comprendre les motivations des personnages et connaître le dénouement final. On peut également souligner son gros travail de documentation sur la vie harassante à la ferme. Que ce soit pendant la deuxième guerre mondiale, ou aujourd’hui, c’est très instructif de suivre le quotidien des fermiers, leurs doutes, les difficultés auxquels ils font face et que l’on n’imagine pas toujours.

Une très bonne saga, à lire pour l’ambiance envoûtante des Cornouailles plutôt que pour les personnages, qui passent parfois au second plan, happés par cette région à la forte personnalité. Attention toutefois, ce livre risque de vous donner envie de réserver des vacances dans cette région méconnue …

La Ferme du bout du monde, Sarah Vaughan. Préludes, février 2017. Traduit de l’anglais par Alice Delarbre.


Par Coralie

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