La Fiancée américaine est ce qu’on appelle communément un pavé, un de ces livres qui pèsent une tonne et vous occupent pendant de longues, longues heures de lecture. Malgré son poids phénoménal (plus d’un kilo !), on a envie de l’emporter partout avec nous, car on aimerait pouvoir ne pas s’arrêter de lire. Eric Dupont réussit à nous passionner pour la destinée d’une famille québécoise sur près d’un siècle, dont les membres, hauts en couleurs, nous entraînent au Canada, bien sûr, mais également aux Etats-Unis, à Berlin ou encore Rome. Le roman d’Eric Dupont fait partie de ces livres qui nous surprennent toujours, et qui, par des détours et des récits imbriqués, nous captivent de la première à la dernière page.
Le récit s’ouvre à Rivière-du-Loup, dans les années 1950, où trois enfants s’apprêtent à écouter l’histoire de leur père Louis Lamontagne. Homme jovial et bavard, séduisant et séducteur, Louis dit « le Cheval » est un personnage emblématique du village depuis sa naissance en pleine messe de minuit en 1918. Sa mère était Madeleine, la fameuse fiancée américaine du titre, arrivée par le train en 1917 : chez les Lamontagne, il faut absolument une Madeleine par génération, c’est la tradition, et ça porte bonheur. La vie de la famille bascule le jour où la matriarche décide de s’enquérir d’une épouse pour son fils tout juste adulte. Ce qui n’était qu’une interrogation dans le vide se matérialise par l’arrivée de Madeleine l’Américaine par le train quelques jours plus tard, avec, dans ses valises, un livre de recettes qui changera plus tard la vie de sa petite fille, également prénommée Madeleine (rappelez-vous, une par génération !).
Chez Eric Dupont, aucun personnage n’est inutile : tous sont dotés d’une personnalité bien trempée, du célèbre Cheval Lamontagne à sa fille Madeleine, en passant par Solange « Suzuki », la meilleure amie de Madeleine, ou encore Magda, la vieille Allemande un peu frappée. Ces personnages sont mis en scène dans une véritable chronique familiale maîtrisée de bout en bout : tout s’imbrique à la fin du roman et le lecteur, admiratif, sort de ce roman avec l’impression d’en avoir lu en réalité plusieurs. On peut ainsi observer la vie quotidienne à Rivière-du-loup, un petit village québécois où l’église a encore la main-mise sur la population et où les ragots voyagent plus vite que l’éclair. On découvre l’ascension sociale fulgurante de Madeleine puis, plus tard, la vie de ses deux fils Michel et Gabriel en Europe. Gabriel, à Berlin, se lie d’amitié avec sa vieille voisine, Madga Berg, dont l’histoire émouvante nous plonge dans l’Allemagne du IIIe Reich. Tous ces lieux, toutes ces ambiances, Eric Dupont les rend avec beaucoup de réalisme. La déroute de Königsberg, narrée par l’incroyable Magda, est ainsi une des scènes les plus visuelles du roman, et témoigne de l’incroyable talent de conteur d’Eric Dupont. Chapeau bas !
On aime quand le Cheval se remémore son passé d’homme fort dans les foires américaines, quand Gabriel nous raconte ses journées comme professeur de sport dans un lycée catholique, quand Madga nous parle de sa passion pour la musique et pour le frère de son professeur de chant. Les vies de ces personnages, parfois drôles, souvent tristes, nous touchent en plein cœur. Eric Dupont évite l’écueil du manichéisme : heureusement, ses personnages ne sont jamais ni totalement bons, ni totalement mauvais. Au contraire, il les a construit dans la nuance : le Cheval a beau être vu comme un héros de guerre, un homme que tout le monde admire, il se révèle par la suite alcoolique, et parfois violent. Le mythe s’effondre. Madeleine, digne et travailleuse, est également une mère froide au secret farouchement gardé.
Et, en parallèle de la vie de ses personnages, Eric Dupont multiplie les références à l’art : un tableau, « La mise au tombeau de la Vierge », et l’opéra Tosca sont ainsi des thèmes récurrents. Ledit opéra n’aura plus de secret pour vous au terme du roman…
Auteur d’un premier roman impressionnant, Eric Dupont a été comparé par une journaliste à Gabriel Garcia Marquez : effectivement, face à la densité de son roman, à la vie du village de Rivière-du-Loup (le nouveau Macondo ?), et à la récurrence des prénoms Madeleine et Louis (l’équivalent des Remedios et José Arcadio de Cent ans de solitude ?), on ne peut qu’approuver la référence. Ne passez pas à côté de cette fresque familiale, ne vous laissez pas impressionner par son volume… La Fiancée américaine vaut largement le détour !
Ce livre est dans ma PAL depuis sa sortie et il m’intrigue énormément, toujours avec cette peur de ne pas entrer dans ce pavé mais j’ai très envie de m’y plonger et de découvrir cette famille.
C’est pour cela que ce livre est aussi resté dans ma PAL pendant plusieurs mois. Mais je ne regrette pas de l’en avoir fait sortir !
Je suis en train de le lire (50 pages lues) et j’aime beaucoup l’écriture et le ton.