
FANTASY — Dans la foulée de ma lecture de La Fileuse d’argent, j’ai voulu découvrir Déracinée, autre grand succès de Naomi Novik, porté aux nues par Robin Hobb herself.
Déracinée est un roman de fantasy profondément ancré dans l’imaginaire de l’Europe de l’Est (la Pologne, visiblement) qui parle d’un Dragon qui n’en est pas vraiment un et d’une jeune fille naïve qui ne l’est pas vraiment non plus. Agnieszka vit dans un petit village en bordure d’un bois maléfique : ce n’est pas le genre de lieu où vous pouvez flâner paisiblement. Ceux qui s’y aventurent ne reviennent pas, ou s’en retournent changés, maudits, agressifs et terriblement contagieux. C’est le Dragon, un puissant magicien, qui protège les habitants de ces malheurs potentiels et comme tout bon seigneur médiéval, il prélève sa dime : un impôt en nature, et une jeune fille qu’il enlève et garde dix ans dans sa tour avant de la rendre à sa famille. Cette jeune fille revient plus lettrée, élégante et indépendante que lorsqu’elle est partie, petite paysanne mal dégourdie. Agnieszka sait que pour sa génération, c’est sa cousine et amie Kasia qui sera choisie : c’est la plus belle, la plus accomplie de toutes. Ça sera donc forcément elle. Tout le monde en est absolument certain.
Bien sûr, vous vous en doutez : Kasia est écartée et c’est Agnieszka qui va être choisie, à la surprise de tous. Commence pour la jeune fille une nouvelle vie dans la tour du Dragon… Elle sera déracinée.
Ah, l’image de la jeune fille enfermée dans une tour n’a rien d’original ! Et pourtant… Agnieszka n’est pas prisonnière, à attendre son prince ou à subir les assauts sexuels du Dragon. En réalité, elle va… apprendre la magie.
Le début du roman peut sembler un peu poussif, Naomi Novik prend en effet tout son temps pour poser les bases de son monde : le Bois hanté, le Dragon et son mauvais caractère, la maladresse caractérisée d’Agnieszka. Le lecteur peut être un peu déstabilisé après l’efficacité narrative de La Fileuse d’argent. Mais bien vite, le lecteur est ferré, curieux de savoir ce qu’il va se passer pour l’héroïne. Reste néanmoins une impression d’inégalité : après lecture, j’ai la sensation d’une première partie plutôt vide (disons-le franchement, Agnieszka traverse de grosses périodes d’ennui, et le lecteur, s’il ne la suit pas sur ce chemin, reste dans l’expectative), et d’une suite beaucoup plus chargée et palpitante.
Le point fort de ce roman, outre le Bois, lieu mystérieux et effrayant à la mythologie passionnante, c’est indéniablement ses personnages, à commencer par Agnieszka elle-même. C’est une forte tête, avec de la répartie, du courage et de la volonté, et un certain don pour perdre, casser ou salir les choses. Le Dragon lui-même est intéressant, avec sa mauvaise humeur constante et ses râleries attachantes. Enfin, on évoquera aussi Kasia, qui se révèle pleine de surprises.
On retrouve par ailleurs l’ambiance onirique, digne d’un conte parfois cruel, que j’ai appris à associer au style de Naomi Novik : le monde qu’elle développe est plein de potentiel. On a envie d’en lire plus, même si ce roman est un cran en dessous de La Fileuse d’argent. Une autrice à suivre, indéniablement.
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