La Condition pavillonnaire : M.A Bovary, c’est moi !

C’est le manifeste des anonymes connus. Comme beaucoup d’autres, M.A, le personnage principal, quitte son petit patelin pour faire ses études dans une grande ville. Elle rencontre un garçon dont elle tombe amoureuse. A la fin de leurs études, ils trouvent un travail, se marient, emménagent dans une maison excentrée, font des enfants et sourient bien fort devant l’appareil photo. M.A créé sa vie, achète, accumule, est heureuse et se couche tous les soirs dans un « moelleux sentiment de sécurité ». Tout était donc parfait. PARFAIT. Et puis, on finit par se lasser. Que faire après avoir joui de ce retour sur investissement ? Il faut désormais chercher un but dans la vie. Même petit, même stupide. Eloigner d’urgence le vide et donner du sens. Commence alors la quête effrénée de M.A, formidable hommage à Emma Bovary, celle qui attend à sa fenêtre l’événement qui bousculera sa vie.

La Condition pavillonnaire est un livre radical et tranchant. Entre Les Choses de Perec et The Truman Show, il bouscule et met mal à l’aise. A la Twin Peaks, l’auteure s’attache à décrire ce qui se cache derrière ces vies bien rangées et ces façades de maison blanche. Des êtres qui s’ennuient, blessés, tourmentés, à l’âme meurtrie, pas besoin d’habiter Saint Germain des Prés !

Divry - La condition pavillonnaire

Certes, c’est une satire de la société de consommation, mais là n’est pas le propos. Avec beaucoup d’humour, Sophie Divry tranche et aiguise un portrait de femme résolument moderne. Comme tout le monde, elle développe des fantasmes pour échapper à la monotonie, a un travail « devenu facile, répétitif », aime son amant et se donne l’illusion de vivre d’avantage. Une vie qui pourrait faire l’objet d’un livre de Grégoire Delacourt et qui, par sa qualité et sa valeur, se rapproche de Baudrillard pour l’examen sociologique et ses allures warholiennes (vivre c’est acheter, aimer c’est consommer etc.).

C’est un livre sur le poids des habitudes, sur ces gestes récurrents que nous dicte notre mobilier ; sur la frontière qui donne l’impression amère de devenir à son tour, un meuble. En vouloir toujours plus, ne jamais être satisfait. I can get no, satisfaction. Était-ce une prémonition ?

Un livre qui vous retourne littéralement, en s’attachant au passé d’une vie qui pourrait être la vôtre, pour mieux s’en contenter ou s’en écarter.

La Condition pavillonnaire, Sophie Divry. Noir sur Blanc, collection Notablia, 2014.

Jeanne De Bascher

2 Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.