Le Septième fils : déplorable adaptation

Récemment sorti au cinéma, Le Septième Fils, réalisé par Sergey Bodrov, est l’adaptation du roman de fantasy L’Apprenti Epouvanteur, du britannique Joseph Delaney.
Très, très libre adaptation, faut-il préciser…

Il était une fois un royaume imaginaire, d’inspiration mi-occidentale, mi-orientale, un royaume où la magie existe, et où les sorcières sont une terrible menace.
Dans ce pays, Thomas Ward vit dans une petite ferme isolée, et désespère avec ses porcs, et les visions apocalyptiques qui le taraudent, lui qui ne rêve que de partir… Ses velléités de voyage sont comblées lorsque Maître Grégory, l’Épouvanteur local – sorte de guerrier mystique luttant contre les forces de l’obscur – vient le chercher pour en faire son dernier apprenti : en tant que septième fils d’un septième fils, Tom Ward est le candidat idéal au poste d’épouvanteur.
Et cela tombe bien, car la situation est un poil urgente. Le dernier apprenti de Grégory est mort après 10 ans de formation, et Mère Malkin, la terrible reine des sorcières, s’est libérée du cachot dans lequel l’Épouvanteur l’avait enfermée des années auparavant, et entend bien ravager la contrée, à la faveur de la lune de sang qui lui rend ses pouvoirs. Il ne reste donc qu’une petite semaine à Maître Grégory pour former l’ami Tom … et contrecarrer les sorcières.

Le Septième fils est une adaptation des plus libres. Dans le cadre, d’une part, car l’histoire se passe dans un univers aux allures orientales alors que le roman se déroule en Angleterre ; dans l’histoire, ensuite, puisque Mère Malkin, « simple » sorcière dans le roman de Joseph Delaney, est ici entourée de quelques guerriers mythiques (qui ne sont pas sans rappeler les panthéons orientaux), tous très très méchants, et plus inhumains (et fades) les uns que les autres.
Quant à l’histoire… Faut-il préciser que Maître Grégory est l’ultime représentant d’un ordre de guerriers surpuissant ? Et qu’une prophétie annonce l’arrivée d’un guerrier doté d’incroyables pouvoirs, à savoir Thomas Ward ?
Mais comment a-t-on pu passer d’un roman aussi complexe, sombre et sensible qu’est L’Épouvanteur à… ça ?
Pour notre tranquillité d’esprit, oublions donc qu’un livre a donné naissance à cette adaptation, et faisons abstraction de ce que l’on savait déjà.

Le film débute plutôt bien, avec une bonne mise en bouche. C’est ensuite que cela se gâte. Les personnages sont aussi creux les uns que les autres, leur psychologie est à peine plus esquissée que le schéma Gentil/Méchant/Méchant-mais-pas-trop, ce qui est agaçant au plus haut point. Mère Malkin veut ravager le pays… juste parce que c’est cool. L’Épouvanteur n’est rien d’autre qu’un vieillard amateur de bibine avare de conseils et ennuyeux. Thomas Ward, de son côté, fait preuve d’une candeur incroyable : comme dans le roman, certes. Mais dans le roman, Tom a 12 ans, et sa naïveté sincère est plutôt touchante. Là, Tom semble plutôt en avoir 24, fait des erreurs tellement bêtes qu’il y a des baffes qui se perdent, et répète systématiquement les mêmes idioties : sa naïveté confine tout simplement à la bêtise crasse.

C'est vrai qu'il fait grand pour ses douze ans...
C’est vrai qu’il fait grand pour ses douze ans…

L’affaire de la prophétie tombe comme un cheveu sur la soupe et devient même la source d’une incohérence. Puisque les apprentis sont si difficiles à former, l’Épouvanteur ne pouvait-il pas, d’emblée, en prendre plusieurs, pour augmenter leurs chances ? Non ? Bon… C’est vrai que former un blanc-bec en une semaine est tellement plus simple. Et le blanc-bec en question est plus nul que ce que pouvait craindre l’Épouvanteur. Il lance les couteaux comme un pied, ne sait pas manier l’épée, et n’a bien sûr aucune connaissance utile dans la lutte qui l’occupe – mais il le prend plutôt bien. Évidemment, il lui faut moins d’une petite journée pour maîtriser les arcanes de la lutte contre les forces du mal, manier l’épée comme un mercenaire professionnel, et devenir le fameux guerrier de la prophétie.

Vous l’avez compris, on ne nous épargne aucun des clichés les plus éculés de la fantasy. Pire, on ne nous épargne aucun des clichés de la romance pour adolescents, Tom et Alice succombant l’un à l’autre en moins de temps qu’il n’en faut pour le penser : la jeune femme a à peine traversé l’écran que l’on peut déjà prédire comment cela va tourner. D’ailleurs, ça ne rate pas.

De plus, le film est d’une longueur insupportable. Il ne se passe quasiment rien, et toute cette vacuité ne sert même pas à creuser les personnages, l’histoire, ou l’univers. Les scènes gratuites s’enchaînent : combat contre le gobelin, méchants en train de comploter avec des rires machiavéliques – comme c’est original – à la ruine de l’Épouvanteur, scènes mièvres d’une niaiserie rebutante, combat entre sorcières bénéfiques et maléfiques à grands renforts de sortilèges mais n’apportant rien à l’histoire. On égrène les séquences les unes derrière les autres, sans que l’on saisisse la logique de leur présence… hormis l’envie de produire de belles images.
L’histoire tend seulement vers la bataille finale qui, si elle est visuellement très réussie, peine à passionner, vu l’absence de scénario, ou les ressorts dramatiques tellement éculés qu’ils ne sont guère surprenants.

Allez, au chapitre des bons points, on reconnaîtra que les costumes sont plutôt recherchés, les décors soignés (bien qu’on ne comprenne pas bien comment un village médiéval occidental classique puisse comporter tours effilées et crénelées, minarets, et murailles orientales… mais pourquoi pas), les effets spéciaux bien gérés, et l’image plutôt agréable à l’œil. Le seul rapport que le film entretient avec la série originelle, ce sont les noms des personnages, ce qui est un peu léger. Les quelques clins d’œil au roman disséminés ici et là (les bottes de Tom, la mention de l’apprenti précédent brutalement décédé, les souliers pointus d’Alice), ne suffisent pas à faire de ce Septième fils une bonne adaptation. Et le bon jeu des acteurs (car ils jouent bien, soyons honnêtes), ne parvient pas à sauver l’histoire creuse et fade servie par le film.
Somme toute, si le film est réussi visuellement, le scénario poussif, les personnages creux, les clichés accumulés et l’adaptation trop libre le rendent extrêmement long et pénible. Une adaptation qu’il vaut mieux éviter, donc.

Le Septième fils, un film de Sergey Bodrov. En salles depuis le 17 décembre 2014.

Par Oihana

A propos Oihana 710 Articles
Lectrice assidue depuis son plus jeune âge, Oihana apprécie autant de plonger dans un univers romanesque, que les longues balades au soleil. Après des études littéraires, elle est revenue vers ses premières amours, et se destine aux métiers du livre.

4 Commentaires

  1. Je ne comptais pas le voir et ça tombe bien ! Ce film aurait pu être bien, même en étant librement adapté mais lorsque j’ai vu la bande-annonce, je l’ai trouvée assez déplorable et ne contenant plus ce qui faisait l’essence des livres que j’avais énormément aimés. Ils portent quand même majoritairement sur le passage de Tom de l’enfance à l’adolescence et son apprentissage de la vie.

    • En voyant, la BA, je me suis dit « bon, ce n’est qu’un court extrait, laisse-donc au film ses chances ! » J’aurais mieux fait de m’abstenir, en fait 🙂

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