Un membre permanent de la famille, Russell Banks au top !

On peut ne pas être adepte de la forme brève, et changer d’avis en découvrant les nouvelles de Russell Banks : avec Un membre permanent de la famille, le célèbre auteur américain révèle la pleine mesure de son talent. Douze nouvelles, douze occasions de découvrir des personnages seuls, des laissés-pour-compte du rêve américain, douze textes qui fascinent par leur justesse et leur réalisme. Le recueil est agréable, les nouvelles sont efficaces, elles sonnent profondément juste. On y croise un artiste tout juste primé, qui partage son bonheur avec des amis peu réceptifs, un père à deux doigts de se faire arrêter par ses propres fils, une veuve joyeuse qui se redécouvre après le décès de son mari… Le récit est toujours maîtrisé, on sent que chaque situation peut basculer, en un instant. Quand un ex-mari humilié est convié par son ex-femme et le nouvel époux de celui-ci, et qu’il s’aventure dans la chambre du bébé qu’ils viennent d’adopter, on sent que l’horreur est tapie non loin, qu’un rien suffirait pour que la nouvelle vire au tragique. Quelle maîtrise, quel usage efficace de la tension, toujours justement dosée !

Un membre permanent de la famille

Les situations sont humaines et peuvent parler au plus grand nombre. Servies par un style sobre et dépourvu de fioritures, qui va droit au but, ces nouvelles nous font découvrir l’envers de l’American Dream : on y découvre aussi bien ces retraités aisés qui s’envolent pour la Floride dès les premiers frimas que ceux qui ne parviennent à joindre les deux bouts, privés d’emploi, leur mobil-home hypothéqué. Nouvelle d’ouverture, « Ancien marine » frappe les esprits, avec ce retraité dépassé par la crise, poussé aux pires extrémités pour survivre. « Oiseaux d’hiver », qui campe à l’inverse un couple âgé plutôt à l’aise, est également une des nouvelles les plus marquantes, montrant une femme qui se retrouve veuve après avoir enfin réussi à convaincre son époux de passer l’hiver à Miami. Loin de l’abattre, le décès de son mari la galvanise, et semble la libérer d’un carcan. Le lecteur se sent de plus en plus mal à l’aise au fur et à mesure qu’il découvre l’histoire de cette femme.

Russell Banks signe ainsi un recueil très réussi, intense et authentique, qui, de la côte est à la Floride, nous plonge dans des situations de la vie quotidienne, et réussit à les transcender.

Un membre permanent de la famille, Russell Banks. Actes Sud, 7 janvier 2015. Traduit de l’anglais par Pierre Furlan.

Par Emily Vaquié

A propos Emily Costecalde 1036 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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