Un roman à vous hérisser le poil : Simetierre

Simetierre, Stephen King

MAINE — Le Maine n’est pas l’état le plus touristique que l’on puisse imaginer aux États-Unis. Bangor n’a pas le même attrait, pour le visiteur français, que New York, San Francisco ou Miami. Pourtant, c’est un état que les lecteurs de Stephen King visitent régulièrement, tout du moins en fiction ! C’est dans ce petit état de Nouvelle-Angleterre que le maître de l’horreur aime souvent à placer ses intrigues, dans des villes réelles, comme Ludlow (Simetierre, par exemple), ou imaginaires comme Derry (Ça) ou Jerusalem’s Lot (Salem).

Simetierre, par exemple, nous entraîne dans la petite ville de Ludlow, où vient d’emménager la famille Creed en 1984. Louis, le père, vient d’être engagé comme médecin par l’université voisine, et il compte bien être plus heureux dans le Maine qu’à Chicago, où vivent encore les parents de son épouse Rachel, qui le détestent cordialement.

La famille Creed, c’est une famille sans histoires : les parents, une petite fille, Ellie, cinq ans, un petit garçon, Gage, deux ans, et la mascotte de la fratrie, Winston Churchill, dit « Church », le chat. Avec un tel point de départ, vous ne pouvez en douter : ça ne peut que finir mal.

Louis sympathise avec son vieux voisin, Jud Crandall, qui emmène la tribu Creed visiter l’attraction locale, le pittoresque « simetierre » des animaux, où des générations d’enfants ont enterré leurs petits compagnons. L’endroit fascine Louis, autant qu’il lui fait froid dans le dos. Mais ce n’est pas le seul lieu que les habitants de Ludlow veillent jalousement… Au-delà du cimetière pour animaux, à travers une muraille végétale quasiment infranchissable, serpente un sentier qui mène vers un lieu hautement plus glauque…

Simetierre est probablement un des romans les plus dérangeants de Stephen King : l’impression de malaise monte au fil des pages, jusqu’à ne plus vous lâcher. À l’orée de la deuxième partie du roman, l’angoisse étreint plus que jamais le lecteur : Louis joue avec des puissances qui le dépassent, et sa détresse, sa peur, sa douleur deviennent si fortes qu’elles semblent sourdre à travers les pages. Ce sont des terreurs primitives, instinctives et universelles qui servent de ciment au récit de Stephen King : la crainte de la mort, de son côté définitif et cruel et l’idée plus que dérangeante qu’il peut y avoir bien pire que la fin de la vie… Il y a quelque chose d’onirique dans ce roman : le lecteur, à l’instar de Louis Creed, semble traverser un cauchemar, aux frontières du réel et du rêve, là où l’imagination se déchaîne et où la raison cède… Les lieux que décrit Stephen King sont chargés d’un poids ancestral, dont le vieux Jud se fait le conteur. Depuis le début du siècle, le vieillard en a vu passer, des histoires liées au « simetierre » des animaux, et à ce lieu mystérieux, chargé d’une sombre magie, que recèle le bois derrière la maison des Creed. Ses histoires, qui se sont passées pour la plupart il y a des décennies, font froid dans le dos : on sent l’influence de ce secret collectif, étouffant et effrayant, qui pèse sur la communauté de Ludlow.

Comme toujours, on retrouve également la plume alerte et efficace de Stephen King, qui montre une nouvelle fois à quel point il est bon conteur. N’ayant pas son pareil pour croquer un personnage ou un lieu, le maître de l’horreur excelle à son art, et fait de Simetierre un monument du genre. À ne pas lire seul avec votre chat : qui sait, vous risqueriez bien, vous aussi, de faire quelques cauchemars !

Simetierre, Stephen King. Albin Michel, 1985. Disponible en poche au Livre de poche. Traduit de l’anglais par François Lasquin

A propos Emily Costecalde 1157 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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