Tout le bonheur du monde : coup de coeur

Tout le bonheur du monde

ROMAN AMÉRICAIN — Ce roman familial, je l’ai repéré dès sa sortie en grand format chez Rivages. Impossible de passer à côté de son passage au format poche chez 10/18 !

Il me faut vous avouer quelque chose : les fresques familiales, surtout américaines, c’est mon dada. Je ne peux pas résister à un récit qu’il s’étend sur plusieurs générations (point bonus s’il y a besoin d’avoir un arbre généalogique en début de roman). Ici, nous suivons la famille Sorenson : les parents, qui s’aiment d’un amour intense à l’épreuve de la vie, et leurs quatre filles franchement déglinguées : Wendy, Violet, Liza et Grace.

Le roman fait des va-et-vient temporels permanents : certains chapitres nous montrent le jeune couple Sorenson à sa genèse, puis nous les retrouvons retraités, parents de quatre adultes. L’enfance des filles, leur adolescence, leurs tâtonnements à l’âge adulte sont décortiqués sous la plume vive et précise de Claire Lombardo. En filigrane : comment se construire quand le modèle parental est si parfait, si écrasant ? Les filles ne voient que le mariage de leurs parents, solide depuis plusieurs décennies, ce besoin irrépressible de se toucher encore après quarante ans de couple, cette frénésie charnelle qui ne les a jamais quittés. Le lecteur, lui, est invité à soulever le voile et à découvrir les mille et unes petites fissures du couple parental…

Chacune des filles est fracassée à sa manière. L’aînée Violet est une véritable héroïne tragique, frappée par le sort. Le coeur du lecteur saigne pour elle, malgré son inconséquence et son caractère difficile. La deuxième, Violet, cache un lourd secret depuis quinze ans, secret qui revient tel un boomerang en tout début de roman. Liza, elle, est complètement perdue. Enfin, Grace, la petite dernière, s’estime en passe de rater sa vie : plutôt que demander de l’aide, elle se lance dans un mensonge qui la dépasse.

La force de ce roman, ce n’est pas tant d’être un page-turner, bien qu’il se lise effectivement facilement : c’est d’asséner, au fil des pages, des vérités universelles qui ne manqueront pas de frapper profondément le lecteur. Les considérations sur la famille, le couple, la maternité, le deuil sont tellement vraies ! La famille Sorenson est certes dysfonctionnelle : mais quelle famille ne l’est pas ? À travers le destin particulier d’une famille américaine, Claire Lombardo tire son récit vers l’universel. Et c’est beau. Si vous avez des enfants, vous vous reconnaîtrez probablement parfois en Marylin, joyeusement dépassée par la maternité, à la fois aliénée et heureuse, oppressée et épanouie. Ce que Violet dira à demi-mot de la solitude après la naissance vous parlera probablement.

La vie passe, les enfants grandissent : l’amour reste. C’est en somme le message de ce roman très complet et très abouti sur les chemins, parfois inattendus, que nous fait emprunter la vie. J’ai beaucoup aimé.

Tout le bonheur du monde, Claire Lombardo. 10/18, 2022. Traduit de l’anglais par Laetitia Devaux.

A propos Emily Costecalde 1157 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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