Chromatopia porte haut les couleurs de la dystopie !

Chromatopia, Betty Piccioli

YOUNG ADULT — L’idée de hiérarchiser la société en couleurs n’est pas nouvelle, mais elle est toujours intéressante quand elle est bien traitée. Enfant, j’ai lu Le Vent de feu, qui explore déjà cette idée, puis l’excellente trilogie Red Rising. J’étais donc curieuse de voir comment Betty Piccioli allait procéder dans Chromatopia. Petit spoiler : elle s’en sort avec les honneurs !

Chromatopia : une dystopie basée sur les couleurs. C’est comme le Port-Salut, c’est écrit dessus ! La ville de Chromatopia, à la géographie verticale, est divisée en castes de couleur. Tout en haut, au château, règne la famille pourpre. Tout en bas, dans la fange, la Nuance bleue meurt de faim. Entre les deux : les Verts (serviteurs, paysans, employés), les Jaunes (les artisans), les Oranges (le clergé), les Rouges (les privilégiés de ce monde). Betty Piccioli donne voix à trois personnages : tout en haut, c’est la princesse Améthyste qui s’exprime au sujet de son mariage imminent. Tout en bas, c’est Hyacintha, orpheline élevée dans la misère Entre les deux, Aequo, qui doit reprendre la teinturerie familiale, et qui, suite à un accident, perd la vision des couleurs… Ces trois personnages qui n’ont à priori rien en commun et que très peu de chances de se croiser vont pourtant faire basculer le destin de toute la ville.

Une ville fondée sur une hiérarchie chromatique ? J’achète ! Le terreau est fertile pour semer les graines d’une rébellion. Il y a en effet une nuance officieuse : la Nuance noire, qui rêve de révolution et de démocratie Tout les moyens sont-ils bons pour réussir à renverser une monarchie autoritaire ? La fin justifie-t-elle les moyens ? C’est une des questions que pose le récit. Les révoltés de la Nuance noir sont prêts à tout pour réussir, y compris au terrorisme, à l’enlèvement, au meurtre.

Le clivage sociétal est extrêmement fort dans cette ville. Chaque Nuance est elle-même extrêmement hiérarchisée. Elle peut se muer en prison, d’une certaine manière : vous êtes né dans une Nuance, vous y passerez toute votre vie, à moins d’être rétrogradé et ça, personne ne le souhaite. Même si vous êtes brillant et talentueux, vous vous heurterez au plafond de verre de votre caste. Dans ce contexte, on imagine bien le tragique des amours impossibles entre Nuances. Un des thèmes joliment et pudiquement décliné dans le roman…

Au-delà de cette crise politique et sociale habilement dépeinte, Chromatopia se distingue par l’efficacité du style de l’autrice, sans temps mort, avec au contraire beaucoup de dynamisme. On note également qu’elle rejette toute solution de facilité, toute évidence : elle nous épargne la romance convenue et semi-obligatoire qui émaille souvent les romans young adult, et sort des sentiers battus. Quant à la fin, elle est ouverte et prometteuse. Peut-on espérer une suite un jour ? L’avenir nous le dira.

Chromatopia, Betty Piccioli. Scrinéo, 2020.

A propos Emily Costecalde 1036 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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