Le Roi et l’horloger : incursion historique du roi du polar islandais

ROMAN HISTORIQUE — Arnaldur Indriðason est un écrivain islandais. Véritable phénomène littéraire, il est surtout reconnu pour ses polars, qui s’articulent en trois séries principales. Mais l’auteur s’est aussi permis quelques incartades dans le genre du roman historique, sans toutefois oublier ses premières amours. Le Roi et l’horloger, son dernier roman que nous vous présentons aujourd’hui, est en effet une sorte d’hybride, entre roman historique et polar, deux enquêtes sur deux époques différentes.

Au XVIIIe, l’Islande est une colonie danoise gérée par les représentants de la Couronne, qui usent souvent de leur autorité pour s’approprier des biens. Le Roi Christian VII du Danemark, considéré comme fou et écarté du pouvoir, traîne quant à lui sa mélancolie à travers son palais, jusqu’au jour où il rencontre un horloger islandais, taciturne mais habile, qui a pour mission de restaurer une horloge. Cette pièce est en fait un chef-d’œuvre créé à la Renaissance et elle repose en pièces détachées dans les sous sol du palais à Copenhague. Le Roi qui s’ennuie va souvent voir la progression du travail, et en profite pour questionner cet homme sur sa vie en Islande. L’horloger lui transmet alors l’histoire terrible de son propre père, dans laquelle le souverain va découvrir la réalité de cette colonie si lointaine et la cruauté des représentants qui exercent en son nom. Une sorte d’amitié commence à se nouer entre ces hommes qui n’avaient sans cela aucune chance de se rencontrer.

C’est donc un roman très différent de ce qu’Arnaldur Indriðason peut proposer d’habitude. Mais finalement, cela reflète plutôt bien son intérêt pour l’histoire avec un grand H, celui-ci étant diplômé dans cette matière de l’université d’Islande, et c’est une jolie opportunité d’en découvrir un peu plus sur les mœurs et l’Histoire islandaise. Pour ce faire, l’auteur a choisi d’alterner les chapitres à Copenhague entre le Roi et l’horloger et les chapitres qui se passent en Islande, une génération auparavant. Fidèle à son style, l’auteur ne s’embarrasse pas du superflu : les phrases et les descriptions sont relativement dépouillées pour aller à l’essentiel. Il en résulte un rythme ni trop lent, ni trop rapide, qui permet de faire avancer les deux intrigues en parallèle. Car ce roman maintient le suspens sur deux sujets différents : qu’est-il arrivé de si terrible au père de l’horloger, et la restauration de cette magnifique horloge aura-t-elle lieu ? Très vite, l’artisan islandais se retrouve un peu dépassé par l’histoire qu’il raconte au Roi, celle-ci faisant douloureusement écho à la propre vie du souverain. Il se retrouve donc sur un terrain glissant, où le Roi vient lui réclamer la suite de l’histoire, mais où ce même récit pourrait le faire jeter en prison, un peu à la façon de Shéhérazade. Tout est-il toujours bon à raconter ? Quelles ellipses faire ou ne pas faire au nom de la vérité ? Cette histoire dans l’histoire n’est qu’un prétexte pour l’auteur afin d’aborder des thèmes qui semblent lui être chers, comme le douloureux passé de l’Islande ou bien encore les liens familiaux. Finalement, un sujet aussi terre à terre que la réparation d’une horloge peut s’avérer malgré tout bien plus palpitant que prévu. Dans la même veine, les personnages si dissemblables du Roi et de l’horloger finissent pourtant par former un duo qui fonctionne plutôt bien. C’est là toute la puissance et la magie de la plume d’Arnaldur Indriðason.

Si vous aimez déjà l’auteur pour ses polars, saisissez donc cette opportunité d’en découvrir plus sur l’histoire, inspirée de faits réels, relatée dans Le Roi et l’horloger. Dépaysement garanti !

Le Roi et l’horloger, d’Arnaldur Indriðason. Traduit de l’islandais par Eric Boury. Métailié, février 2023.

Par Coralie.

 

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