ROMAN HISTORIQUE — Parfois, on se saisit d’un roman et on sait d’emblée, rien qu’à soupeser le poids de ses pages, qu’il sera intense, déchirant, passionnant : c’est le cas d’Aminata, un roman qui se présente comme les mémoires d’une ancienne esclave afro-américaine, arrachée à sa terre à l’âge tendre de onze ans, et déportée direction l’Amérique. Devenue une vieille femme, elle vit à Londres auprès d’abolitionnistes. Sa voix peut-elle aider à mettre fin à l’esclavage ?
Nous sommes au milieu du XVIIIe quand Aminata voit des trafiquants d’esclaves assassiner ses parents. S’en suit une longue et éreintante marche vers l’océan, où l’attend un navire, véritable tombeau flottant. Au bout du voyage : une vie de servitude dans une plantation du sud de l’Amérique.
C’est donc un roman très fort qui arrive en poche, un roman qui puise sa puissance dans son personnage principal, Aminata, courageuse, déterminée et extrêmement touchante. Son destin est absolument terrible, et bien sûr, c’est d’autant plus odieux qu’on sait que des millions de personnes l’ont partagé en vrai, il y a à peine quelques siècles. C’est en effet toute l’horreur de l’esclavage, toutes les atrocités du commerce triangulaire et de la traite des êtres humains que nous montre ce roman, sans fard et sans aucune concession. Le style, très visuel, joue sur les sensations, notamment les odeurs : ainsi, les pages qui décrivent le navire qui traverse l’Atlantique avec, à son bord, des centaines d’êtres en souffrance, sont absolument horribles. On s’y croirait. Le bateau semble immense, terrifiant, d’un autre monde, presque. Cette traversée dantesque évoque les meilleures et les plus terribles pages de Toni Morrison : l’écho de Beloved hante les pages. La folie, la mort, l’horreur la plus absolue sont contenues dans cette partie du roman… et malheureusement, c’est loin d’être la seule à produire cet effet sur le lecteur. Rien ne sera épargné à cette femme ni l’humiliation, ni la faim, ni le deuil, ni le viol : malgré cela, elle continuera à espérer et à aller de l’avant. Le lecteur, saisi d’effroi, lit sans plus pouvoir s’arrêter. Malgré les motifs atroces tissés par le récit, celui-ci se lit extrêmement vite, comme en apnée : on veut savoir si à la fin de sa vie, Aminata trouvera la paix. La réponse, sachez-le, m’a fait verser quelques larmes.
C’est dur de dire qu’un roman pareil est un coup de coeur, mais ce fut pourtant le cas, tant il m’a touchée et ébranlée. Un roman indéniablement nécessaire pour dénoncer les horreurs du passé et un grand morceau de littérature : lisez ce livre !
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