À la manufacture des inusables, la vérité a le goût amer des chaussettes

ROMAN HISTORIQUE — Été 1938. Layla Beck, jeune citadine fortunée, refuse le riche parti que son père lui a choisi et se voit contrainte, pour la première fois de sa vie, de travailler. Recrutée au sein d’une agence gouvernementale, elle se rend à Macedonia pour y écrire un livre de commande sur cette petite ville. L’été s’annonce mortellement ennuyeux. Mais elle tombe vite sous le charme des excentriques désargentés chez lesquels elle réside, les Romeyn. Autrefois propriétaire de la manufacture, cette famille a une histoire intimement liée à celle de la ville. De soupçons en révélations, Layla va changer à jamais l’existence des membres de cette communauté, et mettre au jour vérités enfouies et blessures mal cicatrisées.

Après son premier roman, Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates, co-écrit avec Mary Ann Shaffer, Annie Barrows revient en force avec Le secret de la manufacture de chaussettes inusables. Si le titre français, à rallonge, a été choisi pour rappeler celui du premier, sa version originale, bien que moins accrocheuse, The Truth according to us, donne mieux le ton de l’ouvrage.

Moins de lettres cette fois, mais toujours la même plume légère et envoûtante. Et, encore, cette description à la fois réaliste et attendrie d’une petite communauté, avec ses rumeurs, ses espoirs et son histoire particulière. Si le roman peine un peu à démarrer, on est ensuite irrémédiablement entrainés dans le tourbillon des aventures des protagonistes.

10/18, Annie Barrows, Le secret de la manufacture de chaussettes inusables

C’est un récit à voix multiples, celles de trois femmes aux âges différents. De Willa, l’enfant qui devient adolescente, à la femme mûre qu’est Jottie, en passant par la jeune femme pleine de fougue incarnée par Layla. J’ai particulièrement accroché au personnage de Jottie, sœur et tante dévouée, amoureuse blessée qui pourtant continue à lutter pour le bonheur de ceux qui lui sont chers. Le passé la retient prisonnière si bien qu’elle semble avoir mis sa vie entre parenthèses pour se consacrer aux autres.

Quel est donc ce terrible secret qui lie la famille Romeyn et la petite communauté de Macedonia ? Que s’est-il vraiment passé à la manufacture ? Ce roman est une touchante quête de la vérité qui, tantôt soulage, tantôt détruit, peinture réaliste et mélancolique de la vie avec ses obstacles, ses peines, ses bonheurs aussi. Sans oublier l’amour qui est au cœur du roman. Amour passion, amour destructeur, amour filial ou familial, il y en a pour tous les goûts. Tant et si bien qu’on ne peut s’empêcher de s’attacher aux personnages et d’éprouver de la compassion, même pour ceux qui ne nous inspiraient aucune sympathie au début du roman.

Si certains pourront trouver l’intrigue prévisible, il faut savoir lire entre les lignes car ce livre est aussi une belle leçon de vie et nous enseigne, comme à Willa, cette enfant qui veut tout savoir mais qui paye si cher la découverte de la vérité, que « Avoir raison, ce n’est rien. On ne peut pas s’en nourrir. Autant manger des cendres. (…) La seule chose que nous avons le droit de faire (…) c’est nous haïr les uns les autres, ou pas. »

Conclusion, La manufacture vous fera rire et pleurer, elle vous poussera, mine de rien, à vous interroger sur la vie, elle vous attendrira ou vous révoltera, mais elle ne pourra certainement pas vous laisser indifférent !

Le secret de la manufacture de chaussettes inusables, Annie Barrows. Éditions 10/18, 2015. Traduit de l’anglais par Claire Allain et Dominique Haas.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.