FANTASY HISTORIQUE — Après nous avoir fait voyager à Marseille en 1596, Jean-Laurent Del Socorro confirme ses talents de conteur en nous emmenant cette fois en l’an 28, en Grande-Bretagne, sur les traces d’une reine celte qui a fait trembler l’empire romain : Boudicca, également connue sous le nom de Boadicée (dans sa version anglo-saxonne).
Pas de fantasy pure et dure comme pourrait le laisser croire la mention de l’onirisme sur la quatrième de couverture, mais une légère touche de mysticisme, dont la symbolique se retrouve à plusieurs niveaux, notamment à travers le triskell celte, qui représente 3 spirales entrelacées. Ce symbole druidique se retrouve notamment dans l’ossature même du récit, qui est construit en 3 « volutes » : une pour chacune des périodes de la vie de Boudicca. Fille de roi dans un premier temps, femme, mère et épouse ensuite, et finalement reine et guerrière. Boudicca – qui signifie Victoire – est née avec le fracas des armes, ce qui est sans doute à l’origine de son caractère pour le moins explosif. Elle grandira au sein du clan celte des Icènes, avant que celui-ci ne soit placé sous protectorat romain au moment de la conquête de la Britannie par l’empereur Claude. Mais cette paix fragile ne saurait être durable. La mort de Claude va modifier l’équilibre des forces en présence : un nouveau général romain va avoir à cœur de dompter ce peuple celte encore un peu trop libre à son goût. Pour Boudicca, l’heure de la révolte a sonné.
Bien que décrit comme historique, ce portrait n’en est pas moins actuel grâce à une écriture fluide, dynamique et concise : Boudicca est vibrante, passionnée et passionnante, mais non pas dénuée de doutes et de défauts. Elle est entière et c’est une figure forte : c’est sans doute pour cela que, outre-Manche, sa légende a traversé les temps. Le récit est à la première personne, complètement immersif et nous donne accès aux pensées profondes et aux motivations de Boudicca, ainsi qu’à ses fêlures.
Au fur et à mesure des épreuves qui jalonneront sa vie, Boudicca apprendra l’importance des mots. Et c’est finalement ce thème, de prime abord un peu en retrait par rapport au féminisme assumé de ce livre, qui finira par prendre de l’importance. Cette héroïne aura souffert toute sa vie de n’avoir pas su dire ce qu’elle avait sur le cœur : l’auteur se sert de cette problématique pour illustrer avec beaucoup de justesse les relations parents-enfants.
Un autre point important est que ce roman a su saisir et retranscrire les mœurs de la société celte. Page après page, dialogue après dialogue, l’auteur décrit la vie quotidienne du peuple des Icènes à travers une multitude de détails. Il nous initie ainsi aux secrets des rituels druidiques, nous conte la liberté des mariages celtes et nous plonge au coeur du tumulte des batailles du Ier siècle après Jésus Christ. Bien que peu de sources soient disponibles, Jean-Laurent del Socorro s’est manifestement documenté et fournit à la fin de l’ouvrage une bibliographie juste et malgré tout conséquente pour les lecteurs qui souhaiteraient approfondir le sujet. Boudicca – Reine, Guerrière, Amante – navigue donc subtilement entre Histoire et légende, entre réalité et onirisme et c’est ce qui fait la force de ce roman.
Soyez le premier à commenter