Max et la grande illusion : le formidable périple de Mosche Goldenhirsh !

Max et la grande illusion, Emanuel Bergmann, Belfond

PREMIER ROMAN — Max est un petit garçon qui vit en Californie avec ses deux parents. Enfin… ça, c’était avant. Avant que ses parents décident de commettre l’irréparable : au grand dam de notre jeune héros, ils vont divorcer. Le petit garçon est désespéré… jusqu’à ce qu’il trouve une solution imprévue, en mettant la main sur un vieux disque produit par un célèbre illusionniste d’antan, qui promet monts et merveilles, y compris la réalisation d’un sortilège d’amour ! Malheureusement, le disque est endommagé et coupe au moment crucial. Max va donc devoir partir à la recherche du Grand Zabbatini.

Sauf que le Grand Zabbatini n’a plus rien de grand, et ça fait bien longtemps qu’il a renoncé à la magie. C’est désormais un vieillard cynique et perpétuellement de mauvais poil, qui vit dans une résidence pour personnes âgées de Los Angeles où il s’assomme devant la télévision. Pourtant, autrefois, c’était quelqu’un ! Dans les années 30, à Prague, il a connu un grand succès. Puis, la guerre est arrivée…

Max et la grande illusion, Emanuel Bergmann, Belfond

Voilà un premier roman tout à fait réussi, qui alterne entre l’empire germanique du début du XXe siècle et l’Amérique à notre époque, autour du personnage charismatique de Mosche Goldenhirsh, dit le Grand Zabbatini. On découvre aussi bien son enfance que son ascension au sein du milieu du spectacle, ce qui permet à l’auteur de nous décrire aussi bien le quotidien des cirques itinérants dans les années 30 que des artistes de cabaret dans les grandes métropoles européennes. Et c’est tout simplement passionnant à observer ! Malheureusement pour Mosche, la guerre le rattrape. Fils d’un rabbin, il tente d’abord de dissimuler sa véritable identité. Mais le voilà bientôt envoyé dans les camps, où il fera une rencontre qui bouleversera sa vie.

Max, de son côté, est un petit garçon qui expérimente ce que nous sommes nombreux à avoir connu : la séparation des parents. Pour le petit, c’est tout un monde qui s’écroule, la fin d’une ère, une catastrophe. Son regard d’enfant sur des problèmes d’adulte est parfois décalé, presque drôle, alors que la situation ne l’est pas vraiment. Ainsi, quand Max pressent l’imminence d’une annonce désagréable, un de ses amis lui conseille d’en tirer parti pour se faire emmener dans un bon restaurant et de s’en mettre plein la panse. Mais pas de pizza, attention ! Le bon copain prévient : après l’annonce du divorce, il y a de bonnes chances que le plat choisi ce jour-là soit pour toujours pollué par cette mauvaise expérience. Pour Max, ça serait la double peine : les parents divorcent, et il serait en plus dégoûté de la pizza ! Sûrement pas ! Autant aller dans un restaurant qu’il apprécie nettement moins… Ce n’est qu’un exemple de sa candeur et de son regard d’enfant étonnamment rafraîchissant.

Vous l’aurez compris, c’est un roman où l’émotion est omniprésente : grâce à l’alternance entre les époques, le lecteur reconstitue le cheminement de Mosche et s’y attache au fil des pages, malgré son caractère opportuniste et pour le moins difficile. Devenu âgé, il a tout d’une Tatie Danielle au masculin, c’est un spécimen tout bonnement insupportable ! Le récit est aussi très drôle, avec des situations franchement cocasses qui frôlent parfois l’absurde, mais qui ne font pas oublier qu’en toile de fond, Emanuel Bergmann a choisi une des pages les plus sombres de l’histoire européenne. Bravo !

Max et la grande illusion, Emanuel Bergmann. Belfond, 2017. Traduit de l’allemand par Mathilde Sobottke.

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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