Nos éclats de miroir : quand Cléo répond à Anne Frank

JOURNAL INTIME — Anne Frank, de par son œuvre et sa personnalité, a su (et sait toujours) toucher ses lecteurs au plus profond de leur âme. Tous ceux qui ont lu son journal gardent en effet d’elle le souvenir d’une jeune fille pleine de vie, stoppée en plein élan par une guerre sordide. Anne avait un caractère bien trempé et des rêves d’avenir plein la tête. Toutes ses pensées, tous ses secrets, tous ses projets, c’était à Kitty qu’elle les confiait, cachée dans son Annexe. Mais quel est donc le lien entre Anne Frank et Nos éclats de miroir de Florence Hinckel ?

L’écrivaine préférée de Cléo, bientôt 15 ans, c’est Anne Frank. C’est pour cela que la jeune fille décide d’endosser l’identité de Kitty pour pouvoir à son tour, dans son journal intime, répondre à Anne. Passionnée d’écriture, la jeune fille est d’une nature plutôt introvertie : ce journal, c’est l’occasion de coucher sur le papier ce qu’elle n’aurait jamais pu formuler à voix haute. Tout du moins, jusqu’à ses 15 ans, 1 mois et 20 jours. Car c’est à cet âge là qu’Anne fut forcée d’arrêter son journal avant d’être déportée. Et il est inenvisageable pour Cléo de continuer après cette date fatidique. Ce serait comme la trahir. Alors, en attendant, Cléo/Kitty écrit : elle raconte la dépression de sa mère, elle raconte la cruauté de sa meilleure amie Bérénice, elle raconte la pression sur les épaules de sa grande sœur Mélodie. Le monde — surtout à l’adolescence — est complexe et insaisissable, et poser des mots sur les maux peut s’avérer apaisant.

Ce roman est avant tout une ode à la vie, tout comme Anne Frank a pu l’incarner. Si plus de soixante-dix années —et des destins diamétralement opposés— séparent les deux écrivaines en herbe, l’adolescence qu’elles dépeignent toutes les deux reste assez similaire. Cette période à la fois douce et amère permet de se construire. Et ce n’est pas si facile quand la vie sème le chemin d’embûches. Ainsi, Cléo voit sa mère se faner petit à petit et danser au bord du précipice. Par la force des choses, c’est sa grande sœur Mélodie qui prend toutes les responsabilités sur ses épaules pour pallier les absences de leur mère suite au décès de son mari. La jeune fille est elle-même avide d’en savoir plus sur ce père qu’elle a très peu connu, au contraire de sa sœur, qui veut éviter de remuer le passé au risque de souffrir encore et toujours. Cléo se retrouve aussi confrontée à une relation des plus toxiques avec sa meilleure amie Bérénice. L’auteure, sans jugement et sans diaboliser aucun des protagonistes, nous fait comprendre à demi-mots que Bérénice ne vit que pour briller, quitte à rabaisser son amie. Et point d’adolescence sans mentionner les premiers émois : comme Anne, Cléo croit dur comme fer à l’amour, dans sa version particulièrement naïve et touchante. Et c’est pour le jeune Dimitri, croisé à la piscine, que son cœur va battre un peu plus fort. Mais saura-t-elle faire un pas vers lui ?

Les toutes dernières pages du roman sont particulièrement touchantes. Alors certes, elles ne font pas partie à proprement parler de l’histoire, mais elles en sont la genèse. L’autrice a en effet inséré deux pages de son journal intime de l’époque, adressé lui aussi à Anne Frank. Une preuve de plus s’il en est que Florence Hinckel sait parler aux adolescents : sa plume est fluide et subtile et n’a pas besoin de fioritures pour capter l’attention de son lecteur. À lire en famille et à conseiller aux adolescents !

Nos éclats de miroir, Florence Hinckel. Nathan, janvier 2019

 

Par Coralie.

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