La Saison des disparus : si Jane Austen avait rencontré Conan Doyle

ROMAN POLICIER JEUNESSE — La Saison, sous-entendue mondaine, est une tradition purement britannique qui remonte à l’époque victorienne. De décembre à juillet, chaque année, tout le gotha anglais se réunit à Londres, qui devient alors the place to be. Mais le monde ne s’arrête pas de tourner pour autant …

1878. Les jeunes sœurs Eleanor et Eliza Morwood (respectivement 17 et 15 ans) débarquent à Londres de leur campagne profonde, pour prendre part à la Season. Entre bals et réceptions, palais et duchesses, cette saison mondaine est l’événement à ne pas rater. Chaperonnées tant bien que mal par leur tante qui doit veiller sur elles, Eleanor et Eliza font la connaissance de Victor et Mylord, respectivement un journaliste français et un riche héritier au nom long comme un trombone à coulisse. Mais tout n’est pas que valse, jeux de cartes et petits gâteaux : à la même période, les journaux évoquent de mystérieuses disparitions d’enfants dans plusieurs villes d’Europe. Et si Londres était la prochaine sur la liste ?

Cela commence comme un roman de Jane Austen, avant de basculer franchement du côté de Sir Arthur Conan Doyle avec une enquête en bonne et due forme, le tout version jeunesse évidemment. L’auteur choisit en effet de reprendre les codes de l’époque victorienne, avec entre autres le personnage d’Eleanor qui rêve de faire son entrée dans le monde et de trouver le meilleur parti possible pour sa petite noblesse. Très austinien n’est-ce pas ? Mais la comparaison s’arrête là car l’auteur utilise cette situation de base pour mieux démonter les clichés. Car si Eleanor brille en société et aspire à une vie rangée, ce n’est pas le cas de sa cadette qui ne cherche qu’à se libérer des carcans imposés. Les personnages, s’ils sont attachants, sont malgré tout un poil stéréotypés pour un lectorat adulte : les deux sœurs que tout oppose, le jeune noble qui permet de financer toute l’expédition, le journaliste français socialiste, la tante vieille fille qui oublie bien vite son rôle de chaperon, etc. Matthieu Sylvander prend toutefois soin de mettre les jeunes filles sur un pied d’égalité avec Mylord et Victor, sans les faire tomber en pâmoison. Le petit groupe qu’ils forment avec un dernier larron dénommé Ben fonctionne donc plutôt bien, sans une once de masculinité toxique. Un bon point de plus ! La partie enquête, parfois un peu prévisible, arrive en seconde moitié de livre et se doit donc de prendre quelques raccourcis pour tenir les délais. Les jeunes lecteurs n’en tiendront sans doute pas rigueur. Finalement, le point fort de ce roman, c’est indéniablement le style caustique et ironique de l’auteur. Les petites remarques grinçantes et les réparties cinglantes s’enchaînent à vitesse grand V et participent à dépoussiérer le genre.

En résumé, nous avons là un roman (et donc un auteur) très prometteur. Le style est dynamique et bourré d’humour, les péripéties s’enchaînent à bon rythme et les thèmes abordés sont nombreux, importants et toujours d’actualité. En tant que roman jeunesse il coche toutes les cases ! Malgré cela on aurait aimé pour les lecteurs un peu moins jeunes que certains sujets soient un peu plus approfondis et que moins de questions restent en suspens. La question se pose alors de savoir si c’est un one-shot ou un premier tome, dont nous attendrons la suite avec impatience.

La Saison des disparus, de Matthieu Sylvander. L’École des loisirs, mai 2023.

 

Par Coralie.

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