Aujourd’hui jeudi 3 mai 2012, la Fnac de Montparnasse mettait à l’honneur les jeunes auteurs en recevant Arthur Dreyfus (Belle famille), Stéphanie Polack (Comme un frère), Mathieu Simonet (La Maternité), Disiz (René), Augustin Guibert-Billetdoux (Le Messie du peuple chauve) et Solande Bied-Charreton (Enjoy). Au programme, débats autour de l’écriture, des histoires de famille et de la génération Y, sans oublier un cocktail avec des auteurs sympathiques et abordables.
Mathieu Simonet : » L’écrivain est là pour faire une photographie du réel. »
Stéphanie Polack, Arthur Dreyfus et Mathieu Simonet ont tous trois abordé le thème de la famille dans leurs derniers livres. Ensembles, ils évoquent leur rapport à l’écriture et aux secrets de famille.
Stéphanie Polack travaille dans l’édition, mais n’a pourtant jamais eu l’ambition d’écrire. Elle aime lire : » toute personne qui écrit est avant tout un lecteur » explique-t-elle. Elle est venue à l’écriture après un évènement dans sa vie personnelle qui lui a donné envie d’écrire en s’adressant aux absents. Son dernier roman, Comme un frère, nous plonge dans l’histoire de l’oncle de l’auteur, condamné à mort après un braquage.
Mathieu Simonet explore lui les relations avec sa mère. Ce n’est selon lui ni un roman, ni un récit, car son texte tire sa force de la réalité. La mère du narrateur est mourante. Mathieu Simonet a utilisé son expérience personnelle comme point de départ pour son ouvrage, et récolté des témoignages sur la manière dont les gens perçoivent le deuil. « Les malheurs deviennent en écriture un matériau neutre », explique-t-il. « L’écriture n’est que douceur, même sur un thème comme celui-là. ».
Quant à Arthur Dreyfus, il a trouvé son inspiration dans Stendhal, qui lui a donné envie de partir d’un fait divers, celui de la petite Maddie. Il voulait avant tout faire le portrait d’un époque, étudier la manière dont les médias influent sur une disparition d’un enfant, et explorer les liens entre mère et fils.
Des histoires de famille, les trois auteurs dérivent sur l’écriture, et leur conception du roman. « On est tous auteur. On a tous un petit écrivain dans le cerveau qui comble les vides des faits divers lus dans le journal » commente Arthur Dreyfus alors que Mathieu Simonet explique que pour lui, l’auteur est là pour donner un éclairage sur des faits, sur une époque, et qu’il est également là pour pousser les gens à l’introspection. « Je ne veux pas que les gens aient l’impression de me connaître en me lisant, je veux qu’ils se regardent » détaille-t-il. Quant à Stéphanie Polack, elle remet en cause la conception classique du roman : « c’est un genre qui a considérablement évolué depuis le XIe siècle. Et encore plus récemment. Le roman se désolidarise de la fiction. Il n’y a qu’à voir ce qu’écrivent Jauffret, Carrère ou même Duras !
Génération Y : ultra-connectés mais très seuls ?
Au tour de Solange Bied-Charreton, de Disiz et d’Augustin Guibert-Billetdoux, d’entrer en scène. Tous trois ont écrit des romans qui semblent cibler la fameuse « génération Y », qu’Augustin Guibert-Billetdoux décrit comme « les gens nés plus ou moins avant ou après la chute du Mur et qui vivent dans un monde où les technologies sont de plus en plus courantes ». Une dénomination qui n’évoque rien à Disiz : « Quand j’étais jeune, dans les années 80 et 90, on n’avait pas tout ça. Je ne me considère pas comme faisant partie de cette génération », et qui n’emballe pas Solange Bied-Charreton : « Je n’ai pas pensé Enjoy comme la description de cette génération. Maintenant qu’il est écrit, il peut effectivement s’apparenter à un roman générationnel. Je voulais toucher un type : 24 ans, famille aisée…Je voulais faire le portrait robot de la France. Enjoy a clairement une dimension sociologique ». Quant à Augustin Guibert-Billetdoux, il dénonce une « catégorie un peu fourre-tout ».
Enjoy décrit un paradoxe : le héros est à la fois très entouré sur les réseaux sociaux, mais également très seul. Aucun des trois auteurs ne veut faire de généralisation sur cette fameuse génération. Pourtant, Disiz commente « Si on doit faire une généralisation, je dirai que cette génération a perdu quelque chose. Le hasard. Avec Meetic, Facebook, on est toujours en « show-off », en représentation. »
Leurs trois romans dressent le portrait d’une époque. Disiz décrit la jeunesse d’un jeune garçon dans une France futuriste, imaginée à partir de la société actuelle, aux peurs et aux dérives exacerbées. Disiz décrit alors son rapport à l’écriture, venu par « accident ». « J’étais fils unique. A douze ans, la télévision a implosé. Seul à la maison avec ma mère, je m’ennuyais. Au bout d’un mois, j’ai commencé à lire. C’était La Vie devant soi, de Romain Gary. Je me suis plongé dans ce livre, ma mère m’appelait pour dîner, mais je ne voulais pas lâcher ce livre. J’ai découvert que le livre me donnait des émotions qu’aucun film ne m’a jamais donné ». Mais Disiz attend pourtant presque vingt ans pour se lancer dans l’écriture : « C’était un art qui ne m’était pas autorisé. J’étais complexé. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai signé mon premier roman de mon nom civil. Parce que la littérature, je la place au-dessus de tout, c’est une chose sérieuse ».
Solange Bied-Charreton se souvient de ses premiers émois de lectrice. « J’aimais Balzac, surtout ses descriptions. Quand je lisais quelque chose que j’aimais, je voulais faire la même chose, j’étais dégoûtée de voir que ça avait déjà été fait ». La jeune Solange se lance alors dans le pastiche et la parodie. Elle a toujours écrit.
Pour Augustin Guibert-Billetdoux, l’écriture est un héritage : fils et petit-fils d’écrivains, il connait dès son enfance le poids des mots.
L’art, politique ?
« Pour moi, l’art c’est politique » explique Disiz, qui revendique l’aspect politisé de son roman, mais explique qu’il n’a pas voulu se mêler de la dernière campagne présidentielle. « Les politiques veulent instrumentaliser des célébrités pour pousser les gens à voter pour eux, mais ça ne marche pas trop en France. « . Solange Bied-Charreton tempère « L’art n’est pas politique pour moi, mais doit porter des idées ». Pour Augustin Guibert-Billetdoux, « l’art peut être politique s’il soulève des questions ».
Merci à la Fnac pour l’organisation, et à ces six jeunes auteurs d’être venus partager leurs idées.
J’ai lu le roman d’Arthur Dreyfus, à mon avis c’est un auteur à surveiller car il a un talent fou !
Je crois aussi. J’ai bien aimé sa manière de parler. Il m’a vraiment donné envie de lire son livre.
excellent compte rendu, c’est ballot j’ai pensé que le coquetèle c’était pour les écrivains et éditeurs… je suis pas restée !
Merci ! On s’est donc croisées ?
Sauf confusion physionomiste totale vous étiez à ma droite au bout du rang et j’avais repéré que comme moi vous preniez des notes (moi petite dame à lunettes pas jeune)
Mais j’ai traîné pour écrire un mot, et j’ai lu votre billet, alors rien à ajouter…!
Ah si : que Augustin Billetdoux m’a fait beaucoup rire, il est bien barré…
Pauvre Solange Bied-Charreton elle n’avait pas la meilleure place 😉
Arthur Dreyfus a un charisme fou et a montré une générosité rare à son âge en parlant des livres des autres participants de son plateau. Classe.
Je mets le flux rss de votre blogue dans mon google reader, à bientôt !
Effectivement, je me souviens de vous !
Je suis tout à fait d’accord avec vous, j’ai admiré la spontanéité d’Arthur Dreyfus et la générosité, qui a pris le temps de lire les romans de ses « camarades » et de nous les recommander…
J’ai eu une petite pensée pour Augustin tout à l’heure, quand, écoutant d’une oreille très distraite la télévision, j’ai entendu « alopécie androgénétique ». Drôle de coïncidence, n’est-ce-pas ?
A bientôt !