Mille et une fuites d’un père imparfait

Sur les tables des libraires, un fin roman de la rentrée littéraire restera peut-être dans la discrétion, relégué dans le coin réservé aux auteurs francophones mais qui ont la bête idée de ne pas avoir la nationalité française, malgré sa sobre et magnifique couverture de Sabine Wespieser éditeur. Il s’agit du troisième ouvrage de Catherine Mavrikakis publié en France après l’extraordinaire Ciel de Bay City et le captivant Derniers jours de Smokey Nelson.

La ballade d’Ali Baba semble moins ambitieux mais aussi, sans doute, plus personnel. En effet, l’héroïne, Érina, a une mère française et un père grec, comme Catherine Mavrikakis. Ce père, Vassili Papadopoulos, est surtout absent, il abandonne ses enfants à leur mère pour vivre à New York et profiter du pouvoir de séduction qu’il a auprès des femmes. Parfois, tout le monde vous fait l’éloge de vos parents et ils oublient que pendant que ceux-ci étaient trop occupés à se forger une image exemplaire, ils en oubliaient la chose la plus élémentaire, être là pour ses enfants.

La ballade d’Ali-Baba

L’auteure montre une fois encore la fascination simple et profonde qu’elle a pour la mort. Le fantôme de Vassili Papadopoulos, que sa fille a vu sur son lit de mort, l’aborde dans la rue et lui demande de déterrer l’urne contenant ses cendres. Il lui précise d’ailleurs que les Occidentaux ne comprennent rien à la mort. Dans Le Ciel de Bay City, les grands-parents de la narratrice venait déjà hanter le sous-sol de sa maison alors qu’ils étaient morts dans les flammes d’Auschwitz.

Pour Érina, c’est l’occasion de refaire l’interminable voyage en voiture entre Montréal et Key West. Elle tient à disperser les cendres de son père dans les îles des Key où elle n’est pas revenue depuis son enfance. Entre les deux extrémités de la U.S. Route 1, il y a 2 390 milles, le long de la côte est des États-Unis et le souvenir d’un road trip en 1968 lorsque Vassili avait voulu, le temps d’un week-end prolongé, montrer l’océan à ses filles.

L’occasion également de retracer l’itinéraire de Vassili depuis la Grèce puis l’Algérie et enfin l’Amérique du Nord. Autodidacte, il est persuadé que la fortune lui sourira, se passionne pour les études de sa fille sur Shakespeare – il attendra le trépas pour enfin oser lire le grand auteur anglais – et se plait à lui conter les aventures du malicieux Sinbad le marin. Mais lui, est bien Ali Baba, parti de rien pour mourir avec une histoire extraordinaire à raconter.

La ballade d’Ali-Baba, Catherine Mavrikakis. Sabine Wespieser éditeur, 2014.

Par Antoine-Gaël Marquet

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