Et rien d’autre : l’amour, et la littérature

James Salter : six romans, pour six décennies d’écriture. Il suffit parfois de peu d’écrits pour devenir une grande figure des lettres américaines : le cas de ces auteurs prodiges et pourtant peu prolixes n’est finalement pas rare. Donna Tartt ou encore Tom Wolfe ont prouvé qu’il n’était nullement nécessaire d’écrire un roman par an pour asseoir sa réputation. Adoubé par ses pairs (Julian Barnes ou encore Richard Fort en chantent les louanges), par la profession et par la presse, James Salter n’a plus grand chose à prouver à quatre-vingt-neuf ans. Il n’en demeure pas moins très attendu : Et rien d’autre est indubitablement un des livres les plus scrutés de cette rentrée.

Nous suivons dans ce roman Philip Bowman, un jeune homme idéaliste qui a deux passions dans la vie : la littérature et l’image qu’il se fait du grand amour. De retour de la guerre dans le Pacifique, le jeune homme envisage le journalisme, mais le destin le fera à la place éditeur : c’est l’occasion pour James Salter de nous faire profiter de quelques portraits savoureux d’éditeurs européens. Si Bowman réussit sa vie professionnelle, sa vie amoureuse est bien plus tumultueuse. Le jeune homme enthousiaste se marie, très heureux de vivre enfin une belle histoire d’amour. Mais l’amour tourne à l’aigre, et le mariage se délite. Bowman ne cessera dès lors de courir après une chimère, la femme idéale. Existe-elle seulement ? Le héros de Salter s’enflamme bien vite, avant de se détourner vers un nouvel objet de passion, tout à se quête. Les échecs et la frustration se multiplient.

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Bowman a beau être le héros, il nous parait bien évanescent, et s’il semble fréquemment pris dans le tourbillon de la chair, il n’en demeure pas moins détaché, un peu froid, résolument de papier plus que de chair. Il est difficile de s’attacher à lui, malgré la grande maîtrise dont fait preuve James Salter dès qu’il s’agit de dresser le portrait d’un personnage. Bowman est de ces hommes anonymes sur lesquels personne ne s’arrête jamais, en dépit de sa réussite professionnelle. On le suit pourtant sans déplaisir tout au long des décennies de sa vie. Les nombreux personnages qui l’entourent nous donnent un aperçu de ce qu’a pu être la vie mondaine et culturelle de New York, la capitale de l’édition américaine. James Salter nous parle d’un temps révolu, celui des petites maisons indépendante et volontaires, bien avant l’ère d’Amazon, des majors et de l’auto-édition. Pourtant, malgré cette plongé dans l’édition américaine des années 50, on a somme toute peu l’impression que l’on nous parle de livres : on aurait aimé plus de détails, plus de croustillant… un Mad Men de l’édition, peut-être, où un cigare dans une main, un verre de whisky dans l’autre, des hommes en bras de chemise et bretelles discutent des best-sellers de demain.

Et rien d’autre n’est pas de ces romans que l’on peut lire d’une traite : si vous vous y essayez, nul doute qu’il vous paraîtra relativement indigeste. Il se déguste par petits bouts, au fur et à mesure. Une expérience de lecture à tenter.

Et rien d’autre, James Salter. Editions de l’Olivier, août 2014. Traduit de l’anglais par Marc Amfreville.

Par Emily Vaquié

A propos Emily Costecalde 1154 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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