Sur Café Powell, nous avons décidé d’inaugurer un nouveau rendez-vous, intitulé « Visages du livre » qui nous permettra de mettre en lumière un métier du monde du livre, et plus tard, espérons-le, de la culture. Cette semaine, c’est Sophie, bibliothécaire, qui répond à nos questions
En bref, parles-nous un peu de ton métier ! Si tu devais le décrire à quelqu’un qui n’y connaît absolument rien, comment le pitcherais-tu ?
Ce qu’il faut savoir avec le métier de bibliothécaire c’est qu’il n’a plus rien à voir avec ce qu’on imagine sur lui : finies les dames à lunettes et à chignon qui disent « chuttt » derrière leur comptoir, finies les bibliothèques un peu poussiéreuses, peu lumineuses et qui ne prêtent que des livres !
Aujourd’hui la moyenne d’âge des bibliothécaires a bien baissé car ce métier en évolution attire beaucoup de jeunes. Les nouveaux bâtiments fleurissent, et les architectes y privilégient l’espace, la lumière. Dans la mise en place des collections, les professionnels privilégient le confort des lecteurs, quitte à ce que les documents prennent moins de place : on installe des fauteuils confortables, des zones de travail en groupe, des zones de silence ou d’autres plus bruyantes !
Les bibliothèques ont beaucoup changé depuis 20 ans : on y trouve des DVD, des CD, des jeux vidéo, des tablettes, des liseuses. Elles ne sont plus le lieu du livre mais le lieu de la culture. Et on essaye d’en faire des lieux de découverte, des lieux de rencontre. Car il ne faut pas oublier deux choses : la bibliothèque est le lieu culturel le plus fréquenté en France, par pratiquement la moitié de la population (et c’est souvent le seul lieu culturel, dans les zones plus rurales). Et c’est aussi le seul lieu entièrement gratuit où on peut entrer dans carte d’identité, sans payer. Ce sont ces deux aspects qui nous motivent pour en faire des lieux vivants, en particulier avec des animations de plus en plus diversifiées : club de lecture, projections, spectacles, ateliers manuels, ateliers numériques …
Pour moi le métier de bibliothécaire aujourd’hui c’est un métier extrêmement polyvalent, où il faut avoir non seulement une curiosité intellectuelle mais aussi et surtout le goût de l’accueil du public.
A quoi ressemble une journée type de travail pour toi ?
Cette question est un peu difficile car selon les postes que l’on occupe en bibliothèque, les journées sont très différentes. Pour ma part je suis chargée de l’action culturelle dans une bibliothèque de taille moyenne, ce qui veut dire que je m’occupe de toute la programmation évènementielle.
Par exemple pour un mardi, début de semaine pour nous et où nous ouvrons seulement l’après-midi, ma journée type est la suivante : débriefing avec l’équipe sur la semaine qui a précédé, et en particulier sur le samedi qui est une journée chargée en termes de fréquentation mais aussi le jour dédié aux animations. Puis rangement de la bibliothèque qui est souvent sens-dessus-dessous ! Réponse à des mails de partenaires de la bibliothèque, ou d’artistes qui vont intervenir à la bibliothèque. Travail autour de la prochaine animation, par exemple une heure du conte ou un atelier numérique que nous organisons nous-même (découverte des tablettes, création d’un jeu vidéo, réalisation d’une bande-dessinée).
L’après-midi, nous avons environ deux heures de « service public » chacun, c’est-à-dire des plages où nous sommes soit à l’accueil, soit à des postes intermédiaires, soit simplement dans la bibliothèque pour vérifier que tout se passe bien, pour répondre aux questions ou pour ranger des documents.
Lorsque je remonte dans les bureaux, je peux m’occuper un peu de la communication de la bibliothèque : création d’affiches autour des animations ou d’évènements divers qui ont trait à la vie de la bibliothèque. Je peux également faire un tour sur la page Facebook de la bibliothèque pour publier des posts ou répondre à des commentaires de ceux qui nous suivent.
La journée s’achève par différentes tâches avant la fermeture : préparation d’accueils de groupes pour le lendemain (groupes scolaires, personnes en situation de handicap, femmes en cours d’alphabétisation, etc.), réunion avec des partenaires (compagnies artistiques, théâtrales, conservatoires, ludothèques, etc.) pour réfléchir à la mise en place d’événements communs, etc.
Bref je ne m’ennuie jamais !
Quels ont été ta formation et ton parcours ?
Après un master spécialité « Monde du Livre », option bibliothèques, j’ai choisi de faire la formation initiale de l’Ecole de Bibliothécaires Documentalistes de l’Institut Catholique de Paris, qui forme aussi bien à la documentation (d’entreprises ou de musées, etc.) qu’aux bibliothèques. Et à la sortie de cette école j’ai réussi un concours de catégorie B de la Ville de Paris, qui m’a permis d’accéder au poste que j’occupe actuellement dans le 18e arrondissement.
Mais nous avons tous suivi des parcours très différents : DUT métiers du livre, concours de catégorie B ou C, contrat aidé, etc.
As-tu des conseils à donner à quelqu’un qui souhaiterait devenir également bibliothécaire ? Comment s’y retrouver avec tous ces concours ?
La plupart des bibliothécaires sont fonctionnaires, soit territoriaux soit d’Etat. Il y a donc déjà deux voies possibles. Les concours territoriaux permettent de travailler en bibliothèque municipale, ceux d’Etat permettent d’accéder aux bibliothèques universitaires ou nationales (Bibliothèque publique d’information, Bibliothèque nationale de France). La Ville de Paris a ses propres concours pour les catégories B et C. Pour plus d’informations, le blog Biblioconcours est très bien (http://blog-bibliotheque.paris.fr/preparerlesconcours/)
Mon conseil personnel est le suivant : tout le monde peut passer des concours, mais il y aura forcément un oral à un moment donné, et avoir déjà travaillé en bibliothèque est un vrai plus. Le jury sait faire la différence entre quelqu’un qui passe ce concours parce que « il aime les livres » et quelqu’un qui s’y intéresse vraiment, qui a déjà fait des stages ou des vacations, et qui connaît la réalité du métier.
Mais ça vaut le coup, c’est un métier formidable !
Quelles sont les idées reçues que tu entends le plus sur ton métier ? Celles qui t’énervent comme celles qui te font rire ?
J’en ai déjà un peu parlé plus haut : à chaque fois que je dis à quelqu’un que je suis bibliothécaire, j’entends « oh c’est super, tu dois lire toute la journée ! » … Même si ça me fait sourire à force, c’est un peu agaçant! Autant le dire tout de suite, on lit et on regarde des films (bref on travaille !) uniquement en dehors de nos horaires de travail … Déjà parce que l’on n’a pas le temps de le faire (cf journée type plus haut)! Ce serait comme dire à un cuisinier qu’il doit manger tout le temps … Il y a même des jours où je ne touche pas un livre de la journée !
Et puis ce qui me fait sourire à chaque fois, c’est que les gens pensent qu’on est forcément très très très cultivé quand on travaille en bibliothèque ! Comme si on avait bien sûr lu tous les livres qu’il y a ici … Alors évidemment on a une curiosité naturelle, mais on ne sait pas tout sur tout !
Enfin il y a le fait que l’on soit fonctionnaire, donc bien sûr on subit tous les poncifs qui pèsent sur cette catégorie de travailleurs … D’autant que comme les gens pensent qu’on ne travaille que pendant nos horaires d’ouverture, on ne doit pas faire grand-chose ! Alors que c’est justement lors de ces temps hors ouverture que l’on avance le plus sur notre travail interne …
Quels sont tes livres de chevet ? Ceux que tu conseillerais absolument, comme ceux que tu lis en ce moment ?
Mes livres de chevet, depuis quelques années, sont les romans d’Albert Camus, de Romain Gary et de Maurice Leblanc ! Trois écrivains très différents mais qui me touchent et me font rire à chaque fois. Je les conseille toujours ! Côté contemporain c’est plutôt ceux de Tracy Chevalier, de Jean-Philippe Blondel ou encore la trilogie islandaise de Jón Kalman Stefánsson.
Quel genre de lectrice es-tu en règle générale ?
Je suis une lectrice très éclectique : je peux lire un roman de Zola puis un classique de la science-fiction ou encore un roman pour la jeunesse. J’essaye de lire de tout, pour pouvoir conseiller à tous !
D’une manière générale, je lis surtout des romans, et parfois des essais qui m’intéressent, sur la culture, la lecture, etc.
Que penses-tu du prêt de liseuse et d’ebooks en médiathèque ?
C’est une vrai plus-value. D’abord parce que cela fait découvrir une technologie, qui séduit souvent les grands lecteurs. Ils reviennent parfois en nous disant qu’après l’avoir testé chez nous, ils en ont acheté une pour eux !
Pour les ebooks, le développement se fait petit à petit mais les négociations sont dures avec les éditeurs qui posent des conditions qui ne nous satisfont pas, et qui ne sont d’ailleurs pas cohérentes selon les maisons d’édition. Nous attendons de voir comment cela évolue même si beaucoup de bibliothèques se sont déjà lancées, avec succès !
Certains bibliothécaires se lancent dans des blogs voire des vlogs rattachés à la médiathèque ? Est-ce une vraie valeur ajoutée selon toi ?
A coup sûr c’est une valeur ajoutée, comme tout ce qui fait gagner de la visibilité à la bibliothèque. Cela permet de faire découvrir nos collections, nos événements, et de favoriser une interaction avec un public plus lointain. Mais un blog c’est long à faire démarrer, il faut y passer beaucoup de temps, je le sais puisque j’en ai un personnel ! Pour cette raison, beaucoup de bibliothécaires hésitent à se lancer. D’autant qu’on entend parfois que c’est un outil dépassé, en particulier par les réseaux de micro-blogging …
Merci à Sophie pour le temps qu’elle nous a consacré ! Nous vous invitons à aller jeter un œil à son blog.
Un métier que j’aurais bien aimé exercé également ! Peut-être quand je me serais lassée de la librairie 😉
C’est drôle car je suis également bibliothécaire en action culturelle sur Paris! Merci pour cet article réjouissant, je ne peux qu’approuver les propos de Sophie! 🙂
Très intéressantes ces questions, merci pour l’interview ! Je crois que c’est un métier qui me plairait bien 🙂