Des mémoires américano-irlandais : C’est comment l’Amérique ?

C'est comment l'Amérique ?, Frank McCourt

NEW YORK — Oui, c’est comment l’Amérique ? Pour Frank McCourt, dix-neuf ans, c’est la terre promise, le lieu de tous les possibles. Après avoir quitté New York à quatre ans pour l’Irlande natale de ses parents, Frank revient sur le sol américain, la tête pleine de rêves de grandeurs : ici, il pourra devenir quelqu’un.

Après Les Cendres d’Angela, nous suivons Frank McCourt dans C’est comment l’Amérique ?, de 1949 à 1985, de son arrivée seul et désargenté à New York à la mort de ses parents. C’est le récit de son ascension, des taudis de Limerick aux lycées de New York, où Frank McCourt finira par devenir enseignant, à force de courage et de travail. Une véritable success-story à l’américaine ! Frank McCourt, c’est ce petit immigré irlandais aux yeux irrités et aux dents rongées, qui n’a jamais été au lycée, mais qui parvient tout de même à aller à la fac, à devenir professeur, et à obtenir le prix Pulitzer en 1997.

Si Les Cendres d’Angela se concentraient sur son enfance misérable en Irlande, C’est comment l’Amérique ? s’intéresse à sa vie adulte à New York : les rencontres décisives, les divers métiers exercés, les différents logements pas toujours heureux, sa vie amoureuse… Le ton n’est pourtant pas forcément plus optimiste que dans Les Cendres d’Angela, où se dessinait au bout du chemin la perspective de la réussite en Amérique. Car, une fois qu’on y est en Amérique, que se passe-t-il ? Frank est toujours rattrapé par l’Irlande : on l’entend dans son accent, dans ses manières, dans son goût pour la boisson. Enfin, par sa mère, Angela, qui finit par s’installer à New York. Le clivage entre Amérique et Irlande est forcément plus marqué dans cette suite et finalement, Frank semble n’être chez lui nulle part. Au début des Cendres d’Angela, on se moque de l’accent de Frank et de son frère, « deux petits Amerloques ». Dans C’est comment l’Amérique ?, ce sont les Américains qui tournent en dérision la manière de parler de Frank. À New York, il regrette fréquemment Limerick. De passage à Limerick, il a hâte de retourner à New York, se demande parfois pourquoi il est venu. N’est-ce pas là le destin de tous les immigrés, d’être déchiré entre les deux pays qu’ils portent dans leur coeur ? Frank McCourt le constate souvent : quand il voudrait n’être qu’américain, il est en réalité américano-irlandais, et dans ce tiret réside son identité toute entière, son ostracisme.

Quand le récit s’attarde sur les conversations avec les collègues, sur les beuveries dans les bars, c’est finalement et paradoxalement un Frank très seul que nous découvrons. Nombreux sont les copains, mais rares semblent être les véritables amis. Et même quand la famille se réunit, puis s’agrandit, on sent quand même que la belle union d’autrefois a disparu. Frank et ses frères sont devenus adultes. Les parents ont vieilli. La mère, autrefois si courageuse, est devenue une vieille râleuse jamais satisfaite. Les frères ont chacun leur vie, leurs ennuis. Il est loin le temps où Frank partageait un lit avec sa fratrie… La fin est douce-amère. Mais ainsi va la vie, pas vrai ?

C’est avec une pointe de tristesse que l’on referme ce livre. La voix si particulière de Frank McCourt nous manquera.

C’est comment l’Amérique ?, Frank McCourt. Belfond, 2000. Traduit de l’anglais par Daniel Bismuth.

A propos Emily Costecalde 1036 Articles
Emily est tombée dans le chaudron de la littérature quand elle était toute petite. Travaillant actuellement dans le monde du livre, elle est tout particulièrement férue de littérature américaine.

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