ENCYCLOPÉDIE — Ha, Harry Potter ! Cela fait pas moins de 20 ans que le personnage créé par J.K. Rowling squatte les premières places des tops – qu’il s’agisse des ventes, du box-office, du petit cœur des fans ou de la création de produits dérivés.
Mais quel rapport avec Blandine Le Callet, évidemment lectrice de la saga, mais surtout émérite professeure de lettres classiques à l’université, autrice plusieurs fois primée et scénariste de bandes-dessinées ? Le latin, figurez-vous ! Le latin et l’Antiquité, ses chevaux de bataille.
Car si vous avez eu l’œil attentif, vous aurez remarqué que J.K. Rowling a largement puisé dans le corpus classique et antique pour étayer sa saga. Et c’est ce sur quoi Blandine Le Callet fait la lumière, dans cette réjouissante encyclopédie : Le monde antique de Harry Potter. Lumos !
Après une émouvante introduction, où Blandine Le Callet explique son rapport à la saga, d’abord de lectrice, puis de professeure de latin, elle définit le corpus – assez large – sur lequel elle s’est appuyée. Outre les sept tomes qui constituent l’histoire originelle, elle s’est également intéressée – entre autres – aux textes parus dans La Bibliothèque de Poudlard, sur Pottermore, ou encore dans les quatre numéros du Daily Prophet édités en Angleterre. C’est à la demande de ses étudiants qu’elle a commencé à se pencher sur l’apport des lettres classiques à l’heptalogie. Et le moins que l’on puisse dire… c’est qu’il y a de quoi faire, car l’encyclopédie qu’elle en a tiré fait pas moins de 544 pages, aérées de somptueuses gravures à chaque nouvelle lettre, de la main de Valentine Le Callet, sa propre fille.
Comme toute encyclopédie qui se respecte, elle est présentée par ordre alphabétique et les articles sont susceptibles de contenir des renvois les uns vers les autres – ce qui, d’emblée, propose au lecteur plusieurs parcours de lecture. Vous pouvez en effet lire l’encyclopédie dans l’ordre, ou bien naviguer d’une entrée à l’autre, voire mixer les deux approches. Car, sans surprise, l’encyclopédie invite plus à la lecture butinante, qu’à une stricte lecture suivie.
Lorsque le terme est purement latin, ou issu d’une combinaison de termes dérivés du latin, comme c’est le cas des nombreux sortilèges, l’autrice explique les rapports qu’entretiennent la signification première du terme choisi et le sens que prend le mot de pouvoir dans la saga. Ainsi, on découvre qu’Expelliarmus, le sort de Désarmement si cher à Harry (des mauvaises langues pourraient arguer que c’est sans doute le seul qu’il maîtrise !) vient d’une association entre le verbe latin expellere (chasser, éloigner) et le nom armus (l’arme). Limpide, non ?
L’encyclopédie comporte également de nombreux articles plus ou moins longs consacrés aux personnages, lieux et/ou objets dont les noms sont chargés de signification. Et ce qui est vraiment intéressant, c’est que l’encyclopédie n’étudie pas seulement les grands piliers de la saga (les professeurs McGonagall, Dumbledore et Rogue, les parents d’Harry ou Sirius Black), mais s’intéresse également aux personnages plus mineurs, dont certains n’apparaissent même que très brièvement. Ainsi, dans les premiers chapitres, une entrée est consacrée à Doris Crockford, dont vous avez peut-être raté la présence. C’est la sorcière qui, dans le premier tome, accueille Harry au Chaudron Baveur. Son rapport avec l’Antiquité ? Son prénom ! Il pourrait être dérivé du grec dorôn, qui signifie “cadeau” : en accueillant aussi chaleureusement Harry, elle lui fait cadeau d’une belle entrée dans son nouveau monde, un univers nettement plus cordial et bienveillant que ce qu’il a connu jusque-là chez les Dursley.
Et l’encyclopédie n’est pas seulement consacrée à la linguistique : elle fait également intervenir la culture et les textes classiques. Au fil des chapitres, des extraits des écrits d’Homère, Virgile, Ovide, Pline l’Ancien ou encore Sénèque viennent faire écho au texte de J.K. Rowling, qui n’a pas hésité à utiliser à sa manière la mythologie et les croyances des Anciens. On apprend ainsi que le Basilic de J.K. Rowling a plus à voir avec la Gorgone (dont le regard tue) qu’avec le serpent géant que craignaient les Anciens – mais dont il partage tout de même quelques caractéristiques.
Cette culture intervient aussi dans les articles nettement plus longs consacrés, cette fois, aux aspects les plus connus et emblématiques de la saga. À leur façon, certains lieux (comme Poudlard), et certains personnages (le trio de tête, les professeurs Dumbledore, McGonagall, ou encore Voldemort), sont des avatars de personnages fameux de la mythologie, ou véhiculent des mythes entiers. On ne doutera pas une seconde que Minerva McGonagall fait preuve de la sagesse de la déesse dont elle porte le nom – tout comme de ses talents de stratège… et de compétitrice acharnée !. De même, un intéressant parallèle entre Harry et les héros antiques éclaire une relecture de la saga : tel Oedipe, il affronte le Sphinx ; tel Ulysse, il entend le chant des Sirènes (les Vélanes) et y survit ; tel Héraklès, enfin, il consacre son existence à lutter contre les forces du Mal.
Et le meilleur, avec tout cela ? Non seulement cette encyclopédie ouvre les yeux sur un sous-texte foisonnant et passionnant, mais le tout est expliqué de façon extrêmement claire, ce qui rend l’ensemble à la fois plaisant à lire, ce qui n’était pas donné dès le départ, vu le caractère hautement instructif de la somme !
En bref, cette encyclopédie tient toutes ses promesses : Blandine Le Callet y étudie en long, en large et en travers l’univers créé par J.K. Rowling, en débusquant tous les emprunts faits au latin, au grec, et aux mythologies associées. Les études sont à la fois fouillées et très accessibles, ce qui rend la lecture de l’encyclopédie très aisée – et absolument passionnante. Inutile, donc, de la prendre en cas d’insomnie, car vous risqueriez de terminer bien plus éveillé que vous ne l’étiez en l’ouvrant !
À offrir aux Potterheads sans modération, aux latinistes, hellénistes, fondus de mythologie…. et aux curieux, évidemment !
J’ai également beaucoup apprécié cette lecture qui propose une interprétation originale de l’oeuvre de J.K Rowling. Cela lui donne une dimension encore plus profonde selon moi. En tout cas le travail de recherche de Blandine Le Callet est impressionnant. Les liens avec la mythologie sont vraiment passionnant selon moi. J’ai particulièrement aimé les thèmes les plus détaillés (plus que la « simple » étymologie » des termes).
Il ne manque plus qu’une traduction en latin des aventures de Harry Potter… 😉