Fantasy exotique : deux romans pour sortir des sentiers battus

FANTASY — La Fantasy … Cela évoque souvent un univers médiéval, peuplé de chevaliers et autres magiciens, dans un monde qui rappelle très fort le modèle occidental tel que présenté dans les livres d’Histoire. Mais les amateurs du genre le savent : la fantasy va bien au-delà de tout ça. Si elles se font de plus en plus nombreuses, les histoires de fantasy exotiques sont encore un peu rares dans le paysage littéraire. Le blog du culte d’Apophis propose d’ailleurs une jolie sélection de titres où la fantasy est modelée d’après d’autres localisations, d’autres mythologies et d’autres cultures que celles de notre civilisation occidentale. C’est l’occasion, aujourd’hui, d’apporter notre pierre à l’édifice, avec deux titres qui nous emmènent en Égypte et au Japon.

Dans les ruelles sombres de Tyniry, une ombre fugace évolue de toit en toit, aussi furtive qu’un rapace. Ashtiri, une ancienne esclave de 17 ans, est devenue voleuse pour survivre. La meilleure, d’ailleurs. Et sa réputation a franchi les frontières : le roi d’Ofayne la mandate afin d’accomplir une mission décisive. Impuissant devant une armée de démons à la progression implacable, le souverain a l’espoir fou qu’Ashtiri retrouvera le dernier Lion d’albâtre, un mage-guerrier légendaire. Dans cette quête au cœur d’un environnement hostile, les convictions d’Ashtiri vacillent une à une face aux volontés des divinités cosmiques, maîtresses du destin des mortels.

On aime : l’univers construit par l’autrice ! Celui-ci est complexe, foisonnant et plein d’inspirations diverses et variées. La mythologie égyptienne, centrale dans le récit, est vraiment sublimée et utilisée à bon escient, avec subtilité. On reconnaît ça et là des figures et des mythes connus (comme celui de Thot, le dieu Ibis) et d’autres beaucoup moins, que l’on a plaisir à découvrir dans ce nouveau monde. On aime également les messages véhiculés par l’histoire, notamment à propos de l’esclavage, du racisme et de l’accecptation de soi : le lecteur se voit proposer de vraies pistes de réflexions sur les sujets. Ce qui ne gâche rien non plus, c’est que ce roman est très inclusif, sans pour autant accumuler les étiquettes. Il est, tout simplement, et chacun pourra s’y retrouver. Enfin, l’objet-livre est vraiment soigné et plaira à tous les amateurs de belles couvertures et de cartes de fantasy.

On aime moins : les notes de bas de page associées à un vocabulaire académique, qui sortent complètement le lecteur de sa lecture. S’il est tout à fait normal d’utiliser un champ lexical précis selon les thèmes abordés, le choix fait d’expliciter beaucoup de termes ne devrait peut-être pas se faire au détriment du confort de lecture … On regrette également des personnages et des rebondissements un peu trop lisses : les situations se résolvent un peu facilement, les mentalités évoluent en un claquement de doigt, les relations arrivent à point nommé. Bref, les dénouements sont un peu faciles et enlèvent de la saveur au récit.

Malgré ces bémols, Le Dernier lion d’albâtre est très loin d’être un mauvais roman ! On vous le conseille si, dans vos lectures, vous aimez privilégier les univers et les messages sur l’acceptation de soi plutôt que le rythme et la vraisemblance des péripéties.

 

Le Dernier lion d’albâtre, de Dana B. Chalys. Gulfstream, septembre 2022.

Shinya est l’onmyoji impérial et il manie l’illusion et la divination. À ce titre, il est le garant de l’équilibre entre le monde des humains et celui des esprits, à la fois protecteur, juge et bourreau. Quand la fiancée de l’empereur est victime d’une étrange malédiction, c’est à lui de mener l’enquête. Shinya se lance sur les traces du coupable, mais celles-ci semblent conduire tout droit vers un lieu de son propre passé, une forêt qu’il pensait oublié…

D’où vient la longévité extraordinaire de Shinya et la marque noire qui apparaît parfois sur son front ? Quel prix l’onmyoji est-il prêt à payer pour maintenir l’équilibre ?

On aime : au risque de se répéter, l’univers présenté par l’autrice ! Claire Krust nous introduit l’univers folklorique du Japon médiéval avec brio. En reprenant les croyances japonaises, elle donne vie à des créatures étranges et merveilleuses. Parfois sous forme humaine, parfois animale, souvent chimère : les esprits sont partout et peuplent le monde. Elle nous explique l’importance de l’équilibre entre le monde des esprits et celui, plus terrestre, des humains. Les passionnés de l’œuvre de Miyazaki retrouveront sans doute avec plaisir ce folklore si riche et un peu éthéré. Le parti pris de l’autrice est d’utiliser les termes précis en japonais, et ça c’est culturellement très enrichissant pour le lecteur, sans jamais que cela deviennent un frein à la lecture. Bravo !

On aime moins : les allers-retours dans le passé qui complexifient un peu la fluidité du récit. S’ils sont nécessaires à l’intrigue et apportent de la substance, ces arcs narratifs non linéaires peuvent créer quelques nœuds au cerveau … C’est aussi le revers de la médaille pour un univers complexe et maîtrisé …

Claire Krust est définitivement une autrice à suivre : la richesse et la maîtrise de son univers en sont la preuve ! On conseille particulièrement ce roman aux férus du Japon et de son histoire, et à tous ceux qui veulent s’ouvrir à d’autres folklores.

L’Héritage de l’Esprit-Roi, de Claire Krust. ActuSF, août 2022.

Par Coralie.

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