HUMOUR Jade-Rose Parker connaît bien le milieu du cinéma, car, avant d’être auteur, la jeune femme était actrice : c’est ce monde très fermé, glamour et inaccessible qui sert de trame de fond à son premier roman Ta gueule, on tourne !.
Jade-Rose Parker a imaginé le plan improbable et délirant qui mettrait en scène une équipe de frustrés, prêts à tout pour mener à bien leur projet, faire un film. L’un est chômeur de longue durée et s’est rendu compte au bout d’un an d’inactivité qu’il voulait être réalisateur. Il entraîne dans son projet François, qui vient de perdre femme et emploi. La fine équipe est complétée par Karen, actrice à la dérive, attendant impatiemment que le destin lui tende les bras, mais qui, en attendant, enchaîne les opportunités douteuses. Michel a écrit le scénario, Karen y jouera, c’est certain, car le réalisateur en herbe est amoureux d’elle. Mais là où le projet devient absurde, c’est lorsque François, le troisième larron, a l’idée du siècle : kidnapper les plus grandes stars du moment, les séquestrer sur une île, et les forcer à tourner un style.
Il est certain que Jade-Rose Parker a préféré privilégier la comédie plutôt que le réalisme quand elle a conçu ce roman, très drôle au demeurant. Bien des choses sont improbables, voire carrément absurdes, et l’auteur ne s’appesantit pas sur les détails du « comment » quand il s’agit de kidnapper les célébrités les plus en vogue du moment : Karen attire l’attention des stars à une soirée, les endort et ses deux comparses l’aident à charger les acteurs dans un van. On ne saura pas comment Karen aura obtenu une invitation à une soirée extrêmement exigeante, par exemple, ou comment le trio s’est procuré une drogue assez puissante pour endormir plusieurs acteurs le temps d’un voyage en avion. Quant à l’île où le tournage a lieu, c’est un héritage un peu farfelu pour notre Michel, mais cela sert si bien l’intrigue ! On l’aura compris, l’intérêt ne se trouve pas dans l’aspect pratique et réaliste des choses : ce qui compte, ce sont les situations comiques qu’elles entraînent. Avec notre trio de losers, on rit de bout en bout, et l’on s’attendrit de leur aventure commune. Les acteurs séquestrés sont tous caricaturaux, et il est difficile de ne pas reconnaître en certains d’entre eux certaines de nos célébrités les plus connues, mais ce n’en est que plus savoureux. Imaginez-vous nos stars du grand écran contraintes et forcées de tourner un film sur une île paradisiaque, séquestrées par trois inconnus ? Vous conviendrez que le résultat ne peut être que loufoque.
La comédie devient alors le prétexte d’une satire du monde impitoyable du cinéma : certains acteurs ne rechignent à rien lorsqu’il s’agit de voler la vedette à leurs compagnons, et se tirer dans les pattes devient un sport national. Le cinéma est de surcroît un milieu fermé, et un brin méprisant, qui ne laisse sa chance qu’à des fils et filles de. Karen et Michel en ont fait la triste expérience : inconnus, ils sont bien obligés de prendre leur destin en main s’ils veulent percer.
Ta gueule, on tourne ! est une comédie sympathique, très sympa et bourrée d’humour, idéale pour se rêver ailleurs en ces premiers jours de froid. Pourquoi pas sur une île déserte, à observer de loin un tournage ? Nous suivrons Jade-Rose Parker de près : qui sait ce qu’elle peut encore nous révéler sur le monde du cinéma ?!
Ta gueule, on tourne ! Jade-Rose Parker. éditions Kero, 2013. Rentrée littéraire.
Par Emily Vaquié
Soyez le premier à commenter