[Rentrée littéraire] Rien ne s’oppose à la nuit, Delphine de Vigan

Delphine de Vigan fait beaucoup parler d’elle depuis le début de l’été, avec son nouveau roman Rien ne s’oppose à la nuit, goncourable et déjà lauréat du prix des lecteurs FNAC. En effet, ce nouveau livre diffère des précédents, par sa dimension biographique. Après la mort de sa mère en 2008, Delphine de Vigan a en effet éprouvé le besoin d’écrire sur son deuil, et sur la vie de cette mère disparue à tout juste soixante ans. Avec des sujets aussi intimes que leur histoire familiale, le suicide, les secrets d’un clan, Delphine de Vigan était sur une pente dangereuse. Pourtant, elle tire son épingle du jeu avec élégance et beaucoup d’humanité.

Après que Lucile, la mère de l’auteur, se soit suicidée, Delphine de Vigan éprouve le besoin de retracer la vie de sa mère, de savoir d’où vient sa douleur, son mal-être. Bipolaire, Lucile ne fut pas une mère comme les autres. Delphine de Vigan tâche de retranscrire l’enfance de sa mère, dans une famille nombreuse, bruyante, avec ses drames, puis l’âge adulte, afin de comprendre son geste et surtout, de pouvoir passer à autre chose.

Je ne connaissais Delphine de Vigan que pour son immense succès : les a-prioris sont tels que je me suis figurée un monstre commercial, un de ces auteurs qui paradent dans la liste des best-sellers plus pour leur popularité que pour un vrai talent d’écriture. Je dois admettre que je m’étais trompée. Ce roman est fort, et m’a rendu l’auteur très humain. Impossible, je crois, de ne pas être touchée par la crudité de son deuil, l’horreur face au suicide. C’étaient pourtant des sujets difficiles, et peut-être déjà trop exploités. Pourtant, Delphine de Vigan, qui, comme beaucoup d’auteurs, tente d’écrire sur sa mère, parvient à produire un livre qui frappe par sa justesse.

A l’histoire à proprement dite de Lucile s’ajoute les interrogations et le cheminement de l’auteur : difficile de ne pas se sentir proche d’elle alors qu’elle nous invite au sein même du processus d’écriture. Quant à l’histoire elle-même, on aurait pu la croire inventée de toutes pièces, tant elle est parfois romanesque. Lucile grandit au sein d’une fratrie impressionnante, dans une famille qui a connu de nombreux drames. Au fil des générations se tissent les mêmes schémas, avec une régularité qui n’est pas sans évoquer les Rougon-Macquart : folie, suicide, inceste. Bien que les personnages vivent des choses très difficiles, la vie continue. L’on s’étonne parfois de ce que l’on peut percevoir comme un manque de réaction, mais qui n’est en réalité qu’une représentation réaliste de ce qui se passe dans la vie réelle. En famille, les secrets sont tus, et l’on essaie de ne pas penser aux mauvaises choses.

Ce récit narré avec beaucoup de pudeur m’a beaucoup émue. Nul doute que j’ai aimé. Pourtant, j’ai parfois été dérangée par certaines révélations soudaines, pas toujours suivies des conséquences que l’on serait en droit d’attendre. Delphine de Vigan livre l’histoire familiale sans concession, et sans rien omettre. L’on dit souvent que l’écriture met à nu, et je crois que c’est particulièrement vrai de ce livre.

8 Commentaires

  1. J’étais sceptique, pas vraiment à cause de sa popularité, plutôt à cause du sujet traité mille fois et qui ne me disait rien… Depuis, la blogo en parle et ton avis parmi d’autres me fait penser que je le lirai probablement un jour !

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