Sur la couverture, un cabanon branlant, peut-être hanté. Devant, un petit bonhomme à la peau bleue sourit, l’air sympathique. Sortie début mars chez Folio, la version poche de La Vie secrète et remarquable de Tink Puddah ne peut qu’attirer l’œil sur les étals des librairies.
Concrètement, La Vie secrète et remarquable de Tink Puddah est une histoire d’extraterrestre dans les États-Unis du XIXe siècle. Rien à voir avec Cowboys et envahisseurs, le dernier navet en date de Daniel Craig. L’histoire de Tink est celle d’un petit bonhomme bleu face aux vicissitudes de l’âme humaine. Ses parents, au moment de leur arrivée sur terre, sont morts sous les crocs des chiens de chasse d’un tueur d’ours. Tink survécut et fut recueilli par un couple d’Américains.
En 1860, quinze ans plus tard, la petite communauté de Skanoh Valley enterre Tink. Le petit homme bleu a été abattu d’une balle dans la tête. Qui était vraiment Tink Puddah ?
Au sein de la petite ville de Skanoh Valley, la présence de Tink Puddah avait fini par passer inaperçue. Pourtant, il était bleu, nain et difforme. Mais alors que le pasteur demande aux habitants s’ils veulent prendre la parole pour évoquer leurs souvenirs du défunt, il va de surprises en surprises, en découvrant que ce qu’il prenait pour un athée convaincu, irrécupérable et mis au ban de la communauté était en réalité un homme bon, généreux et intègre.
Tink Puddah n’était pas pleinement humain, ce qui lui vaut l’incompréhension, voire la violence de ses pairs. Face à son étrangeté, les hommes ne savent dans quelle case le ranger et préfère faire abstraction du plus évident : le fait qu’il soit visiblement extraterrestre. Ainsi, ils préfèrent le ramener à ce qu’ils connaissent et l’ostraciser à la manière des Afro-américains dans un contexte pré-guerre de sécession. Tink sera victime du racisme, du fait de sa peau bleue, de la méfiance des uns du fait de son étrange apparence physique, des envies de meurtre des autres du fait de sa propension à se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Sa courte vie sera rythmée par plusieurs épisodes violents, et sera marquée par une profonde réflexion sur l’humanité, et ce qui fait le propre de l’homme : la vie. Et par ricochet, la mort. Ainsi Tink s’interroge sur l’étrange instinct de survie qui anime les hommes, alors que la vie est généralement difficile.
Après son installation à Skanoh Valley, Tink rencontre Jacob, le pasteur. Intolérant et suffisant, le pasteur est rebuté par la différence de Tink et par son athéisme. Pourtant, après la mort du petit homme bleu, Jacob ne peut cesser de penser à Tink, jusqu’à se demander s’il n’aurait pas sans le savoir côtoyé un nouveau messie. La relation entre les deux hommes est au centre du récit, jusque dans sa construction : la narration alterne, chapitres après chapitres, les voix de Jacob et de Tink. Jacob sera très fortement ébranlé par sa rencontre avec Tink, jusqu’à remettre en question tout ce en quoi il avait toujours cru.
Mais c’est la naïveté de Tink, et son intégrité qui font tout le sel du récit. Cet extraterrestre terriblement seul se sent tiraillé entre son inhumanité et son désir de s’intégrer. En observant par exemple de jeunes garçons jouer au baseball, sport typiquement américain, Tink ressent profondément l’envie d’être comme n’importe quel garçon étasunien. Mais à l’heure où ceux-ci rejettent d’autres Américains à cause de la couleur de leur peau, peuvent-ils accepter un étranger à la peau bleue ?
Ode à la tolérance et au respect de la différence des autres, La Vie secrète et remarquable de Tink Puddah se dévore, grâce à un style proche de celui d’une fable et à la personnalité très attachante de son héros. C’est un de ces livres inclassables, qui empruntent à plusieurs genres, comme la science-fiction, le roman historique ou le roman policier, et qui laissent le lecteur perplexe, puis ravi d’avoir fait la découverte d’un personnage aussi candide et aussi plaisant.
La Vie secrète et remarquable de Tink Puddah, Nick DiChario. Folio SF, 2012.
C’est un livre à côté duquel j’aurai pu passer sans remords si tu n’avais pas été si élogieuse ! Ton billet me convainc de lui laisser une chance !
Et bien ça a l’air pas mal du tout, je prends note.
Bonne soirée !
ça a l’air vraiment sympa! Pourtant je ne suis pas forcément Science fiction mais il ne faut pas mourir idiot comme on dit !
Je vois que tu as le même avis que moi sur Cowboys & envahisseurs, je l’ai regardé avec mon n’homme pour lui faire plaisir … J’ai perdu 2h … !
Oui, effectivement, c’était assez affligeant !
A prime abord, ce livre ne m’attire pas plus que ça : la couverture ne m’inspire pas, et puis une histoire d’extraterrestre mouais… Mais grâce à ta chronique, ce roman me semble aller beaucoup plus loin que ça! J’en prend donc bonne note 🙂
Ce livre m’a intrigué chez mon libraire hier (j’aime beaucoup la couverture au passage), j’aurais dû le prendre ! Le contexte me fait très envie en tout cas, et cette histoire a l’air vraiment atypique ! 🙂