Des frères ennemis. C’est ainsi que l’on pourrait décrire les deux protagonistes de Kane et Abel, une saga que l’on pourrait presque qualifier d’épique, qui court sur toute la première partie du vingtième siècle. Roman complexe et vaste fresque historique, Kane et Abel est une claque, un de ces page-turner qu’on peut envisager de relire dans quelques temps, et qui nous donne envie de se ruer, sitôt terminé, sur l’ordinateur pour écrire son avis, quand bien même l’heure est tardive.
Kane est Abel est l’histoire de deux hommes, nés le même jour au début du XXe siècle. Rien, pourtant, ne devait les rapprocher. L’un est américain, et l’héritier d’un empire banquier. Il grandira dans le luxe, choyé, privilégié, aimé. L’autre a été recueilli par un paysan polonais qui l’élève sans amour ni considération. L’un ira à Harvard, l’autre connaîtra l’enfer des camps de travail russes. Le quotidien de l’un sera le faste de l’Amérique toute puissante, l’autre vivra toutes les misères du Vieux Continent. Et pourtant, William Kane et Abel Rosnovski, par leur ambition et leur volonté, se ressemblent beaucoup. Dans leur lutte pour l’argent, le pouvoir et la reconnaissance, leur destin va se croiser.
Kane et Abel s’ouvre en 1906 et se clôt dans les années 60 : c’est soixante ans d’histoire mondiale que Jeffrey Archer utilise comme tissu narratif. La première guerre mondiale et son chaos berce l’enfance de nos deux héros, tandis que la deuxième marque leur vie d’hommes. Leur vie commence à l’époque où l’électricité est une nouveauté dont on se méfie encore, et où Henry Ford peaufine ce qui sera la première automobile. Leur vie se termine après l’assassinat de Kennedy, à l’époque où les minijupes et les Beatles deviennent à la mode. Ces soixante années voient l’évolution d’un monde, des mœurs, mais surtout de nos deux héros. Les deux protagonistes se distinguent par leur envie de faire leurs preuves. William Kane, millionnaire dès sa naissance, aurait pu se contenter de profiter sagement de son argent sans se préoccuper du monde. Pourtant, dès sa jeunesse, un sens aigu des affaires et le besoin de prouver sa valeur motiveront chacun de ses choix, l’empêchant de n’être qu’un fils à papa sans relief. Abel, lui, aurait pu rester paysan : la guerre l’aurait probablement tué, ou il aurait fini sa vie dans un camps de travail. Mais l’envie de vivre et de réussir l’a amené sur le territoire américain. Véritable incarnation de l’American dream, Abel est un modèle de courage et d’intelligence : on peut probablement dire que Kane et Abel est probablement un roman patriote, tant il vante la terre où tout devient possible. Après lecture, on a presque envie d’y croire.
Forcément, William et Abel se détestent. Leur vie se déroule en parallèle, jusqu’à ce qu’ils se rencontrent et se déclarent mutuellement la guerre, une guerre qui désole le lecteur, déchiré entre les deux personnages, et le réjouit, car elle entraîne l’usage de ressorts dramatiques des plus intéressants. Cette course au succès qui motive les personnages, en dépits des échecs personnels et des tragédies mondiales, est la clef de voute de ce roman, un roman comme on les aime, vibrant, intense, vertigineux.
Jeffrey Archer est un formidable conteur, grâce à qui l’on redécouvre l’histoire américaine avec beaucoup de plaisir. Il parvient à rendre vivant les lieux comme peu d’auteurs y parviennent : la campagne polonaise, les déserts sibériens ou encore la frénésie de New York s’imposent à l’esprit du lecteur avec beaucoup de vivacité. On sort de ce livre heureux d’avoir fait une aussi jolie découverte, mais triste d’avoir à le quitter déjà.
Kane et Abel, Jeffrey Archer. Le livre de poche, 2012.
Un grand merci à Livraddict et au Livre de Poche pour cette découverte !
J’avais hésité à postuler ce part’, mais la taille du bouquin m’avait un peu refroidi vu ma vitesse de lecture. Je craquerais surement pour pouvoir le lire tranquillement, sans contrainte de temps !
Merci pour ton avis
J’ai été attirée par le résumé de son dernier livre paru en France, mais quand j’ai vu que c’était un tome 1, ça m’a un peu découragée. Celui-ci ferait plus l’affaire…
Je suis justement en train de le lire j’aime beaucoup : le style, les personnages, l’histoire en elle-même tout est excellent ! 😀
Tout à fait d’accord avec toi, je dois rédiger ma chronique bientôt, mais j’ai eu un coup de coeur pour ce livre très complexe, avec des personnages très intéressants et auxquels je me suis beaucoup attachée!