Version Beta, Rachel Cohn

A quoi pourrait mener, à terme, les recherches génétiques ? Rachel Cohn hasarde une réponse, imaginant un monde dans lequel la technique du clonage est devenue monnaie courante, un monde qui fait froid dans le dos par son mépris de la vie humaine.  Comme dans bien des dystopies, le monde que nous connaissons n’existent plus, ravagé par une guerre mondiale. C’est dans ce monde qu’Elysia a vu le jour.

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Elysia n’est pas vraiment née, d’ailleurs : elle a été crée en laboratoire. C’est une version BETA, un modèle expérimental, qui a été cloné à partir du corps d’une jeune fille et n’a pas d’âme.  Son but ? Servir une des riches familles de Demesne, une île ultra-privée, paradisiaque, où ne vivent que de grandes fortunes. Un jour, donc, Elysia est achetée par une famille, les Bratton : elle découvre qu’elle n’est pour eux qu’un jouet, une coquille vide. Cela ne devrait pas la perturber, mais Elysia commence à éprouver des sentiments, ce qui la met en danger, car les clones défaillants sont renvoyés au laboratoire, où ils subissent tortures et mutilations en vue de déterminer où est leur « panne ».

Ce roman a beau avoir été écrit pour un public assez jeune, il n’en fait pas moins froid dans le dos. Dès les premières pages, le ton est donné quand Elysia, tout juste « née » surprend ce qui se passe derrière la porte de l’infirmerie, où des clones jugés dangereux sont disséqués pour comprendre la source de leur défaillance. La scène est dure à lire, mais témoigne de la volonté de l’auteur de ne pas ménager son lecteur. Cela tombe bien, le lecteur aime bien qu’on le malmène, qu’on sorte des limites habituelles du roman jeunesse. Qu’on ose, en somme.

Choqué, le lecteur l’est bien souvent : il découvre bien vite, à l’instar d’Elysia, que les clones ne sont pas considérés comme des humains, et qu’ils n’ont pas le droit d’avoir des sentiments. D’ailleurs, ils ne devraient pas en être physiquement capables, on y a veillé. Pourtant, Elysia s’éveille au monde : elle découvre le goût, la colère, l’amour. Peu à peu, elle se révolte contre sa situation chez les Bratton, contre la lubricité de M. Bratton, contre l’égoïsme de Mme Bratton, contre l’aveuglement de leurs enfants. Elle assiste à des scènes intenables. Elle-même subit des choses véritablement odieuses. Personne n’est choqué, après tout, elle n’est pas humaine !

Elysia a été clonée à partir du cadavre d’une jeune fille : alors qu’elle ne devrait conserver de son « original » que son physique,  Elysia est victime de souvenirs qui s’imposent à son esprit. Difficile pour Elysia de se construire une identité, quand le monde extérieur lui assène son inhumanité, et que son moi intérieur lui impose la mémoire d’une autre. Cette quête d’identité est d’autant plus juste qu’Elysia est adolescente.

Malgré quelques longueurs, Version BETA est un très bon roman, qui surprend et choque son lecteur, en dévoilant un monde féru de perfection physique, prêt à tout pour préserver son mode de vie. Ce récit, à la fois fascinant et effrayant, pose des questions d’ordre éthique des plus intéressantes. On a vraiment hâte de lire la suite !

Version BETA, Rachel Cohn. Robert Laffont, 2012.

6 Commentaires

  1. Ton avis me donne bien envie. Mais la dernière phrase de la 4eme de couv’ me fait un peu peur, du coup, je te le demande directement, est-ce que l’histoire d’amour entre l’héroine et l’officier prend beaucoup de place dans l’histoire ?

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