Entre Armistead Maupin et la ville de San Francisco, c’est une grande histoire d’amour. L’idylle a commencé à la fin des années 70, quand Maupin commence l’écriture en feuilleton des aventures des locataires du 28, Barbary lane, allée fictive du quartier de Russian Hill. A la fin des années 2000, Armistead Maupin clôt sa série avec Michael Tolliver est vivant et Mary Ann en automne.
L’histoire commence en 1976, quand la jeune et candide Mary Ann Singleton de Cleveland est séduite par San Francisco au point de décider d’y rester. Après quelques jours passés sur le canapé d’une ancienne camarade de classe, la jeune fille trouve une location au 28, Barbary lane. Sa logeuse, Anna Madrigal, pimpante quinquagénaire loufoque, cultive de l’herbe dans son jardin. Sa voisine Mona l’accueille en proposant de lire son avenir, son voisin Michael est un jeune gay romantique, et Brian, le dernier locataire, est un dom juan, autrefois avocat, maintenant serveur. La jeune femme se découvre des amis, et des amours dans la ville tumultueuse de San Francisco.
Les chroniques d’Armistead Maupin sont un véritable portrait de la société si particulière de San Francisco, où liberté sexuelle et situations improbables sont de mise. Filant sur plus de trois décennies, les chroniques évoquent de nombreux faits d’actualité, de la venue de la reine dans la ville à la mort de John Lennon, tout en n’hésitant pas à traiter de thèmes bien plus graves, comme l’épidémie du SIDA ou la difficulté de faire son coming-out. Grâce à une galerie de personnages très complète, Armistead Maupin dresse le portait réaliste de la jeunesse san-franciscaine des années 70 et 80. Les chroniques sont écrites avec beaucoup d’humour et mettent souvent en scène des histoires cocasses, bien qu’un peu tirées par les cheveux, tout en ne négligeant pas des thèmes plus sombres. Adaptée en série télévisée, la saga des résidents de Barbary Lane a rencontré un grand succès, poussant Armistead Maupin à renouer avec eux dans les années 2000.
Dans Michael Tolliver est vivant, Armistead Maupin se penche sur le personnage dont il est probablement le plus proche. Si jusque là la narration s’était surtout focalisée sur le personnage de Mary Ann, Michael Tolliver est vivant donne exclusivement la parole à ce dernier, devenu narrateur du récit. Nous sommes dans l’Amérique de Bush. Michael est désormais quinquagénaire et marié à un jeune homme de vingt ans son cadet. Séropositif depuis des années, Michael Tolliver est un survivant : il a vu mourir son petit ami Jon en 1982, et s’étonne encore de croiser parfois ses anciens compagnons de jeux des années 80, à l’heure où beaucoup de ses connaissances ont été décimées par l’épidémie. Cet avant-dernier tome se concentre avant tout sur les choix qui s’offrent à Michael, et sur la notion de famille. La mère de Michael, qui n’a jamais accepté son homosexualité, est mourante. Mais Anna, la mère de cœur de Michael à San Francisco, est elle-aussi mal en point. A Michael de faire un choix entre liens du sang et liens du cœur. Si beaucoup de lecteurs ont été agacés par les nombreuses références aux aventures sexuelles de Michael, beaucoup ont été touchés de retrouver ce personnage, longtemps cantonné au meilleur ami de Mary Ann.
Mary Ann est de nouveau au centre de l’intrigue dans Mary Ann en automne. Effectivement, Mary Ann arrive à l’automne de sa vie : nous sommes en 2008, et la jeune fille de 1976 n’est plus qu’un souvenir. Après un exil de près de vingt ans, Mary Ann revient à San Francisco, dans une ville qui a bien changé. Les cable-cars sont envahis par les touristes, et les vieilles marches de bois qui menaient au 28, Barbary lane ont été remplacées par d’autres, bien moins pittoresques. Blessée, seule, Mary Ann ne se sent plus chez elle qu’à San Francisco, et dans les bras de Michael, son meilleur ami d’antan, qui lui pardonne bien volontiers sa désertion d’antan.
Ces deux tomes permettent au lecteur de retrouver l’humour d’Armistead Maupin et ses personnages tant aimés. Pourtant, ils n’ont pas la saveur et le charme des premiers tomes, dont on ne peut s’empêcher d’être nostalgiques. Mary Ann en automne clôt certes la série avec efficacité, et évoque de nouveaux thèmes d’actualité, comme facebook. Mais c’était peut-être le livre de trop.
Une chose est certaine : Les Chroniques de San Francisco constitue une série idéale pour découvrir la ville du point de vue de ses habitants. C’est tout le San Francisco secret qui se dévoile: nous découvrons que les laveries et les Safeway constituent de hauts lieux de drague, que Pier 39 est fortement méprisé par les « vrais » san-franciscains, qu’il existe des plages nudistes et des forêts susceptibles de cacher des grottes. Entre autres choses…
Michael Tolliver est vivant, Armistead Maupin. L’olivier, 2008.
Mary Ann en automne, Armistead Maupin. L’olivier, 2011.
Par Emily
Il faudrait que je les lise pour pouvoir dire au revoir comme il faut à tous ses personnages.
Par contre, Armistead Maupin n’en a pas fini avec ses « chroniques » puisqu’il a prévu de faire un 9e et dernier tome centré sur Anna Madrigal.(je crois qu’il en a parlé dans les « carnets de route de François Busnel »).
Ah ? Je l’ignorais ! C’est peut-être bien le tome de trop alors, non ?