La Servante et le Catcheur

Horacio Castellanos Moya est le genre d’auteur que l’on rencontre assez peu, en France. Il a grandi entre le Honduras et le Salvador. Après une dizaine de romans publiés dont sept ont été traduits en français, il s’avère que l’auteur, nous offrant ainsi une œuvre d’une grande cohérence, est préoccupé par une chose : la dénonciation d’une violence endémique en Amérique Centrale. Alors que, dans les premiers romans, ce thème est traité avec un humour noir indéniable, il est affronté plus directement avec Effondrement (Les Allusifs, 2010) puis avec La Servante et le Catcheur.

La Servante et Le Catcheur

Avec ce roman, nous partons pour 48 longues heures au San Salvador durant la guerre civile qui fait rage à la fin des années 1970. Kidnapping, viols et tortures sont monnaie courante et le danger est à tous les coins de rues. Horacio Castellanos Moya offre quatre points de vue à son histoire : celui de María Elena, la vieille servante totalement dévouée ; celui de Belka, sa fille, infirmière ; celui de Joselito, le petit-fils étudiant et rebelle et celui du Viking, cet ancien catcheur faisant, aujourd’hui, partie de la police politique et qui, à plus de soixante ans, a une santé déplorable.

Le rapprochement entre la servante et le catcheur se fera suite à la disparition d’Albertico, le fils de Don Alberto et sa femme, Brita, chez qui travaille la servante. Grâce au Viking, María Elena espère avoir un traitement de faveur, des informations voire une libération de ses employeurs qu’elle apprécie tant. Les membres d’une même famille  vont se retrouver divisés sans même s’en rendre compte.

On se rend vite compte qu’il ne s’agit pas de savoir qui sont les bons et les mauvais. Dans une telle situation, cela n’a aucun sens : tout le monde cherche à survivre dans cet enfer aux conséquences terribles. En suivant quatre personnages, Horacio Castellanos Moya nous emmène dans leur quotidien dont la réalité est à la limite du supportable.

Si les intérêts que l’on peut trouver à ce livre sont variés, l’un ressort tout particulièrement : la réalité politique de ce pays, à l’époque, est exprimé à travers les quatre personnages déjà cités. Ils ne comprennent pas grand chose aux événements mais y prennent part par la force des choses. Autant qu’eux, nous nous demandons : qui dirige ? Qui combat qui ? Dans quel but ?  Et personne ne sait vraiment…

L’auteur raconte la folie d’un pays ravagé et encore en pleine tourmente. Mais cela nous apparaît comme intemporel. La violence est rendue à merveille par cette écriture implacable, directe et simple, dont la vulgarité pourrait en déstabiliser plus d’un. De plus, les changements de points de vue permettent une mise en perspective des actions qui s’enchaînent dans un rythme effréné.

En quelques mots, ceci est un roman historique qui peut choquer. Le lecteur est projeté dans un monde , entre militaires et insurgés, où, comme le rappelle le Viking, « On porte tous la mort sur la tronche ». Âpre, violent, brûlant, La Servante et le Catcheur est un roman aussi fort que dérangeant.

La Servante et le Catcheur, Horacio Castellanos Moya. Editions Métailié, 2013.

Par Elora

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.