Orange, vous connaissez ? Mais non pas la couleur ! Il n’est pas question de la couleur de l’équipe de football des Pays-bas (quoi qu’il y ait un lien), ni de la ville américaine. Il s’agit d’une petite ville au sud de la France qui a eu une grande importance aux XVII et XVIIIe siècles. Elle a été le théâtre de l’affrontement entre Louis XIV et Guillaume III, futur roi d’Angleterre et dirigeant militaire et religieux des Pays-Bas. Guillaume fait partie des Nassau, famille toujours régnante aux Pays-Bas. Attention cher lecteur, vous allez entrer dans le monde sinueux de la diplomatie française !
Orange n’est française que depuis le XVIIIe siècle. Auparavant, elle était sous domination hollandaise. Mais ce changement de nationalité ne s’est pas fait sans douleur. Une petite explication s’impose : Louis XIV veut faire entrer dans son royaume la principauté d’Orange, mais celle-ci est le refuge des réformés, également connus sous le nom de protestants. Louis XIV qui ne s’en laisse pas compter, occupe à plusieurs reprises la principauté. Il fait entre autre raser les fortifications puis le château du prince, ce dernier vivant aux Pays-Bas. Lorsque le roi de France est maître de la principauté, il est presque gentil avec les Réformés, ces derniers peuvent quitter la principauté. C’est à dire tout abandonner derrière eux ! Que c’est magnanime, vous ne trouvez pas ?
Une partie des Orangeois quitte la cité, mais certains décident de rester. Pour bien marquer les esprits, le roi de France fait ériger trois croix, symbolisant entre autres la domination catholique. C’est là que commence notre histoire : ces croix vont semer le trouble dans la principauté.
La nuit est tombée sur Orange plongée dans le silence. Des ombres se dirigent vers les croix blanches, bien visibles malgré la pénombre. Un bruit, de la poussière, les croix ont disparu. Ou plutôt, elles se trouvent au sol. Le lendemain, la population est indignée. Pourquoi les croix ont-elles été abattues ? Par qui ?
Un coupable est vite trouvé : ce sont ces maudits huguenots (protestants) qui ont commis ce forfait ! Mais est-ce certain ? Après tout, c’est une accusation logique. Qui, plus que les protestants sont opposés aux catholiques ? La venue des soldats de Louis XIV, n’a fait qu’attiser les tensions dans cette ville où la tolérance religieuse était de mise. Des coupables sont rapidement trouvés.
Seulement les Orangeois ne sont pas dupes et découvrent que c’est en fait le curé, Omagi. Mais ce n’est qu’un exécutant. Le véritable cerveau de cette histoire est l’évêque d’Orange, Jean-Jacques d’Obeilh. Pourquoi ? Pour faire accuser les protestants bien évidemment ! On ne sait pas s’il y a eu des sanctions à leur égard.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Les croix sont à nouveau érigées et à nouveau, abattues ! Ce sont encore les protestants que l’on accuse. Ce serait un ermite qui est accusé ! Il aurait été irrité par la joie des protestants et aurait détruit les croix, épaulé par deux complices. L’évêque averti de l’incident, vient constater la chute des croix. Il écrit sur-le-champ au roi, demandant sa protection. Le parlement (qui dirige la principauté) quant à lui, condamne un protestant, Jean Poudrier, sans qu’aucune enquête ait été menée. Un des complices, Thevenon, catholique, fuit dès son assignation.
Voilà comment, des croix ont pu semer le trouble au sein d’une petite principauté, occupée par le roi de France.
L’illustration est tirée de l’ouvrage Histoire de la ville et principauté d’Orange de Bonaventure De Sisteron, paru en 1741.
Par Emilie de Café Powell