Les adolescents espions, au même titre que les jeunes magiciens, font rêver. Imaginez : des adolescents super-entraînés, se sortant avec classe et talent des situations les plus épineuses. On comprend mieux la fascination qu’ils exercent.
Alex Rider l’espion britannique malgré lui, ou James Adams, le héros de la série Cherub, ont certainement aidé à populariser le genre auprès des plus jeunes. Mais si les deux séries phare mettent en scène des jeunes hommes, Robin Benway inverse la tendance avec les aventures de Maggie Silver, jeune espionne de classe internationale.
À 3 ans, Maggie Silver ouvre son premier coffre-fort, sous l’œil attentionné de ses parents, nullement choqués des prouesses de leur progéniture. Evidemment, lorsqu’on a deux parents espions, cela aide. Contrairement aux deux héros cités précédemment, Maggie n’est ni orpheline, ni déracinée : elle est amoureusement élevée par ses parents, et reçoit une solide éducation – y compris dans l’ouverture de coffres-forts. De même, on est loin de l’ado-espion surentraîné à la façon d’un Alex Rider ou d’un James Adams. Non, Maggie est une spécialiste, une artiste du coffre. Ses missions devraient donc, en théorie, n’impliquer que peu de danger. Le problème étant que théorie et pratique font rarement bon ménage.
À 16 ans, Maggie écope enfin de sa toute première mission solo : à elle les joies de l’espionnage, loin de la houlette des parents. Pour parfaire sa mission, Maggie est donc inscrite dans un grand lycée new-yorkais. Grande première pour la jeune fille qui a toujours étudié à la maison – y compris l’art subtil du perçage de coffres.
La mission s’annonce simplissime : faire semblant d’être une lycéenne lambda et se lier d’amitié avec Jesse Oliver, fils d’un tout-puissant rédacteur en chef, lequel détient des informations confidentielles sur l’organisation à laquelle appartiennent Maggie et ses parents, dans son coffre-fort personnel. Que Maggie est donc chargée de localiser, et d’ouvrir. Facile, non ?
L’ennui, on l’a dit, c’est que Maggie n’a jamais vécu en communauté : pas de crèche, pas de centre de loisirs, pas d’école. Les camarades de classe, les amis, elle ne connaît pas. Sans parler du flirt. Alors quand la cible commence à lui faire éprouver de troubles sentiments, c’est la grande catastrophe.
Frais et vitaminé, La pire mission de ma vie a le double avantage de conjuguer aventure d’espionnage et amourette lycéenne. L’intrigue est bien amenée, et l’insertion de Maggie au lycée semble fort naturelle, d’autant que la jeune fille ne tarde pas à comprendre… qu’elle a mis le pied dans la fosse aux lions. Sa désillusion prête à sourire, autant que ses petites remarques sarcastiques.
Les personnages secondaires se montrent complexes et bien dessinés : ainsi, sous des dehors de petits bourgeois insupportables, Jesse et Roux souffrent d’un fort sentiment de solitude –partagé, à bien des égards, par Maggie. Plutôt que de plonger dans le cliché de la jet-set new-yorkaise qui fait tant rêver, l’auteur préfère en montrer les aspects les moins glamour et les mieux dissimulés, et rend son trio d’autant plus attachant.
Le style est fluide, le récit assez simple, et l’aventure se lit avec plaisir : inutile, cependant, d’attendre un condensé d’action mené par des héros surpuissants. Ici, l’action se concentre dans les tous derniers chapitres. L’intérêt se situe dans la mise en place psychologique, l’insertion de Maggie au lycée et les multiples cas de conscience que lui pose sa double-vie : c’est drôle, c’est léger, et le suspens est dosé juste comme il faut.
Mêlant romance lycéenne et espionnage, La pire mission de ma vie offre un agréable interlude de lecture, sans toutefois négliger quelques pistes de réflexion. Rappelant tout à la fois les séries Alex Rider, Cherub, et Fantômette, le roman sait se montrer drôle, léger, palpitant, ou plein d’adrénaline. Malgré un scénario assez prévisible, on suit avec un intérêt certain les péripéties de l’espionne en herbe, et on espère retrouver le trio dans un second tome aussi divertissant !
La pire mission de ma vie, Robin Benway. Nathan, 2014.
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