Pour devenir écrivain ou renoncer à jamais

Parmi la profusion de livres qui traitent de la question de l’écriture pour le quidam innocent et perdu qui a sur sa table de travail un gros manuscrit de cinq cents feuillets tout juste achevé, il y en a deux  qui pourraient s’avérer fort utile. Tout d’abord, Ce qu’il faut faire pour ne plus être écrivain de Cyril Connolly (1903-1974), réédité en 2011 aux Belles Lettres. Mais les avertissements réalistes et sans appel de ce critique qui gouverna très longtemps sur les lettres anglo-saxonnes, quoique enrobés d’humour anglais, pourraient en décourager beaucoup.

Sur un ton plus léger, on ira plutôt lire Splendeurs et misères de l’aspirant écrivain de Jean-Baptiste Gendarme. Celui-ci n’est plus un aspirant depuis de nombreuses années mais en côtoie de nombreux, notamment grâce à la revue littéraire qu’il a fondée et qu’il dirige, Décapage. Il y publie régulièrement les premiers textes de jeunes auteurs. Jean-Baptiste Gendarme se charge également de repérer et de proposer des primo-romanciers pour Flammarion. C’est donc un sujet qu’il connait bien et qui l’intéresse sincèrement. C’est donc ici un livre de bonne foi, lecteur.

Les conseils qu’il donne dans ce livre sont simples mais utiles, même si souvent traités avec beaucoup de dérision. Quelque chose d’aussi trivial, par exemple, que la mise en forme et la présentation de son manuscrit aux éditeurs. Beaucoup d’auteur en puissance s’aliènent ceux qui réceptionnent et lisent leur texte avec un texte illisible et une lettre d’accompagnement arrogante ou stupide.

Splendeurs et misères de l’aspirant écrivain

Il est évident que si dix mille personnes (si Jean-Baptiste Gendarme parvient à vendre au moins dix mille exemplaires de ce livre, c’est tout le mal que nous lui souhaitons) lisent et appliquent les recommandations indiquées, une dizaine à peine feront parti des (mal)heureux élus qui vivront l’expérience de la publication. Mais la lecture n’en est pas pour autant inutile pour les autres, ne serait-ce que pour connaître un peu mieux le petit monde fascinant et (pas que) germanopratin de l’édition.

Le problème des conseils en écriture est qu’ils viennent toujours, c’est logique, de personnes dont on peut estimer qu’elles ont à peu près réussi à se faire accepter par le fascinant petit monde. On peut toujours se dire que l’on est soi-même assez talentueux et assez travailleur pour réussir. Que l’on finira forcément par être reconnu quand les autres resteront dans l’ombre dont ils ne méritent pas de sortir. Ce livre permet de remettre les choses à leur place, de s’interroger sur ses réelles motivations et sur ce qu’il faut espérer retirer d’une publication. Pas grand-chose au fond mais est-ce que l’on écrit forcément dans un but de profit ?

Jean-Baptiste Gendarme ne ménage pas l’égo de ses lecteurs aspirants romanciers mais avec justesse et drôlerie. Il s’appuie sur des citations et des extraits d’interviews réalisés avec des auteurs français contemporains. Ce sont pour une grande part des entretiens publiés dans la revue Décapage qui s’intéressent à la panoplie littéraire des auteurs, c’est-à-dire leurs lectures, la façon dont ils travaillent, leurs obsessions et manies, etc. Il fournit également une bibliographie que l’aspirant romancier aura intérêt et plaisir à consulter : mémoires d’éditeurs, journaux littéraires,  essais sur le monde du livre et correspondances.

Quoiqu’il en soit, comme le dit l’auteur de ce petit ouvrage pratique, amusant et utile, ne vous découragez pas !

Splendeurs et misères de l’aspirant écrivain, Jean-Baptiste Gendarme. Flammarion, août 2014.

Par Antoine-Gaël Marquet

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