Olivier Truc est journaliste, spécialiste des pays nordiques et baltes, correspondant du Monde et du Point à Stockholm. Son précédent roman, Le Dernier Lapon (publié en 2012 chez Métailié), a été couronné d’une quinzaine de prix, dont les prix Trophée 813, Quai du Polar – 20 Minutes, et Thierry Jonquet ! Le Détroit du loup revient sur les aventures de la patrouille P9 de la police des rennes.
La longue nuit polaire est terminée, et le printemps darde son accablante lumière sur la Laponie. C’est l’heure de la transhumance des rennes, qui quittent leurs pâturages d’hiver pour rejoindre l’île de la Baleine, et les prés de la ville d’Hammerfest. Mais la transhumance ne fait pas que des heureux. Lars Fjordsen, le maire d’Hammerfest, en a assez des rennes gambadant dans sa ville, et a fait clôturer la cité. Les magnats du pétrole, qui exploitent la mer de Barents, voudraient que les éleveurs refluent vers l’intérieur de la Laponie, se fassent oublier, et les laissent exploiter tranquillement les gisements.
Klemet Nango et Nina Nansen sont envoyés élucider la mort d’un jeune éleveur qui s’est (accidentellement ?) noyé au Détroit du Loup, alors qu’il tentait de sauver les rennes paniqués. L’affaire est assez nébuleuse, et intervient dans un contexte difficile. Et tout se complique lorsque le corps de Lars Fjordsen est retrouvé… au même Détroit du Loup.
Difficile enquête, donc. On évolue entre plusieurs milieux : celui des éleveurs, bien sûr, mais aussi celui des plongeurs de l’industrie pétrolière, des hommes jeunes, aventureux, pleins aux as, et très loin de la culture sami. Les deux milieux s’affrontent, se confrontent, tout le monde convoitant les terres autour d’Hammerfest. Comme dans Le Dernier Lapon, il sera question ici de la place de la culture sami en Norvège. L’enquête est menée tout en finesse, et avec minutie. On est très loin du schéma du polar classique : découverte du meurtre, quelques péripéties, résolution et tout est bien qui finit bien. Le Détroit du loup est un polar d’ambiance : on n’ignore rien des difficultés qu’entraîne l’enquête (pression des autorités, susceptibilités à ménager), par exemple, et celle-ci est décrite avec beaucoup de réalisme. L’auteur met parfaitement en valeur les conflits qui agitent la Norvège et la Laponie, et met également le doigt sur les sujets qui fâchent : outre la place (réduite) des lapons en Laponie, il est aussi question des essais médicaux abusifs menés par la Norvège sur les plongeurs dans les années 80, et sur les multiples excès des industries pétrolières.
Au gré des journées de plus en plus longues, on enquête donc avec la police des rennes, et on suit, le souffle suspendu, les progressions de l’histoire. À l’enquête se mêle, cette fois, l’histoire de Nina Nansen, que l’on découvre un peu plus avant. L’auteur croque les personnages avec beaucoup de talent : les caractères sont affirmés, les oppositions tranchées. Et on en vient à tous les apprécier, quoiqu’à différents degrés, y compris les plus détestables ! Les relations entre les différents personnages sont soigneusement tissées et offrent au roman cette ambiance si prenante.
Le Détroit du loup confirme donc, si besoin était, l’immense talent d’Olivier Truc. Il propose à nouveau un remarquable polar, prenant à souhait, et que l’on dévore d’une traite. On se passionne pour les tribulations des différents personnages – chacun ayant aussi ses histoires privées – ou pour le conflit larvé entre les autochtones, et les étrangers avides de pétrole. L’enquête est minutieuse, menée avec autant de précision que de réalisme et pleine de suspense : on a souvent le souffle court, on se questionne, on s’angoisse, on s’émerveille tour à tour. En d’autres termes, c’est un vrai coup de cœur !
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